Terre des Ténèbres Tome 5-Extrait

Voilà l’extrait du tome 5 comme promis en attendant sa sortie pour vous membres de notre site privé.

 

Terre des Ténèbres

Tome 5

Le retour des Leapons

 

Chapitre 1

L’inattendu

Des cris provenaient de l’extrémité est du camp, des hommes aux visages peints avaient été repérés.  Les hommes se préparèrent au pire, ne sachant de quelle nation il était question, la nouvelle fit le tour du camp à la vitesse du vent.

Les guerriers aux visages peints se tinrent en silence sur une seule ligne horizontale, attendant de voir ce qui venait.

Valrand accourut avec Volchenkov et ses soldats, en voyant ceux qui attendaient un signe quelconque, ils s’immobilisèrent.

— Cela ne se peut…

— Alors Ombre Blanche, c’est ainsi que tu nous accueilles.

Le vieil homme le fouillait du regard.

— Ayanti, Houpa… comment ?

Deux milles guerriers Leapons se tenaient devant lui.  Abasourdi par la situation, Valrand resta bouche bée.

— Nous sommes venus terminer ce que tu as commencé Ombre Blanche, en reste-t-il ?  Déclara Houpa, le plus sérieusement du monde.

— Mon frère, il y a toujours des cancrelats, ouvrant ses bras à Houpa.

Swahili tendu, observait ce qui se passait, lorsqu’il sentit une main décharnée sur son bras.

— Je te présente Celui qui voit tout et son peuple Leapon ainsi que son chef Houpa, lui indiqua Ours Brisé.

— Oui, répondit-il machinalement comme s’il s’attendait à la question de Swahili, ce sont les protégés du peuple invisible.

Des cris d’enfants les ramenèrent au moment présent.  Ceux que l’on appelait les enfants magiques coururent au-devant des Leapons.

La joie qu’éprouvèrent Ayanti, Houpa et leurs amis à la vue des enfants, surprit les natifs des autres nations.

— Comment vont mes petites sauterelles ?  Demanda Ayanti.

Fous de joie, les jeunes l’entourèrent de leurs bras, sous le sourire attendri des adultes.

Quelques effusions plus tard…

— Nous devons parler, Ombre Blanche, lui dit Houpa, mais après que nous aurons terminé nos politesses.

— Naturellement, lui fit signe un Valrand intrigué

— Mon frère, nous avons des révélations à te faire, lui dit-il en le regardant droit dans les yeux.

Cela intrigua encore plus l’officier en lui.  Ayanti lui prit le bras.

— Présentement, nous avons de nouvelles connaissances à rencontrer, ajouta-t-il en rigolant de la situation.

— Et bien mes amis, je ferai preuve de patience, répliqua Ombre Blanche, essayant de contrôler ses sentiments.

 

Certains, comme le représentant des Trois Arcs, n’en croyaient pas leurs yeux.  Contrariés, n’était certainement pas le mot juste pour exprimer l’inconfort de la situation.  Sa déception, aussi cruelle quelle puisse paraître, resta bien enfouie.  Rien ne devait transparaître et son projet d’enlèvement devrait être remis à plus tard, beaucoup plus tard…

— De toute façon, je dois gérer des humains, s’il n’y en a plus ce sera ennuyeux, se dit-il.  Certains devront être calmés.  En qui puis-je avoir confiance ?

L’homme, au rôle de pantin méprisable, reprit sa place de tous les jours, celle des corvées du repenti.

 

Galbrigt quant à lui ne tarissait pas de mots de bienvenue.

— Si ce ne sont pas mes tas de branleurs préférés, bienvenue à vous tas de lézards à deux têtes.

— Salut à toi crème sûre de caca, lui répondit Jétro.

— Crème sûre de caca, mais d’où tu sors ça ?  S’esclaffa Galbrigt suivit de d’autres.

Le rire devint contagieux et les gens fêtèrent joyeusement leurs retrouvailles.  Swahili et les autres chefs furent impressionnés de l’attitude désinvolte des Leapons face à ces gens.  À ce moment, le chef des Serpent se rappela la façon de réagir de ceux qu’il considérait comme ses amis depuis Roche Pointe et comprit que ceux-ci s’étaient ajustés à eux, comme lui-même l’avait fait.  Swahili avait réalisé que ces gens étaient beaucoup plus courageux qu’il ne l’aurait cru et que leurs subtilités de langage, quelques fois incompréhensibles, dépendaient du ton et des traits qui émanaient d’eux.  Ainsi, il devint plus facile de savoir si cela était amical ou pas.

 

Une grande fête se prépara sur-le-champ et de grands filets furent lancés à l’eau pour capturer du poisson en abondance, afin d’accompagner les sauterelles grillées.  Plusieurs semblaient en avoir marre de manger de l’insecte ailé et espéraient un petit changement.  Tout comme les êtres humains, les poissons étant gavés par l’abondance d’insectes, ils préféraient se reposer dans les bas-fonds du lac.  Malgré tout, une grande variété de légumes indigènes compléta le tout, surtout le riz sauvage qui poussait en abondance autour du lac.

 

Les retrouvailles allèrent bon train, les présentations furent bien accueillies et l’activité du camp atteignit son paroxysme.  La sécurité ne fut pas allégée pour autant et les gardes continuèrent leur travail de prévention, pas seulement pour les Nargals mais plutôt pour les prédateurs de toutes sortes, attirés par l’abondance.

Le jour déclina lentement et les palabres allaient bon train, quand le moment tant attendu se présenta enfin.

Celui qui voit tout, Houpa et Valrand se retrouvèrent enfin seuls.

— Comment avez-vous traversé… la porte foudroyée.  S’enquit rapidement Valrand.

— Par la voie la plus simple, répondit calmement Houpa.

— Et c’est-à-dire mon frère, rétorqua Valrand croyant jouer aux devinettes.

— Par la voie des airs, Ombre Blanche.

Surpris par la réponse, Valrand ne se rappelait pas avoir aperçu une anomalie quelconque dans les cieux et surtout pas des faucons géants et personne de son entourage n’avait vu quoi que ce soit non plus.

Ayanti lui tapota la main comme à un garçon.

— Laisse-nous t’expliquer Ombre Blanche, pour cela nous devons commencer par le début.

Intrigué, Valrand ne savait trop quoi penser.

— « Un jour, des hommes venus des étoiles vinrent nous visiter et trouvèrent notre terre agréable.  Deux groupes s’installèrent en paix, rivalisant en adresse, en sagesse et en sciences de toutes sortes.  Un jour, les deux peuples frères virent apparaître la comète de la discorde et sa lune obscure et les troubles commencèrent.  Une rivalité malsaine s’installa, les provocations, la jalousie, les vols se multiplièrent sans cesse.  Les chimères se transformèrent en monstres haineux et les humains se révoltèrent.  Ce qui était au départ une grande création devint le centre du conflit.  L’un des deux groupes se retrouva à défendre l’aspect obscur de la chimère et entretint sa haine de destruction, tandis que l’autre travaillait à illuminer les cœurs et à partager leurs connaissances de l’énergie.  Ils marièrent nos femmes et engendrèrent des fils.  Certains se perdirent sans connaître leurs origines et quelques-uns découvrirent leurs talents après plusieurs générations. 

Ce fut la guerre des mages et ce qui était jadis adresse et sagesse, devint destruction et haine.  De grandes batailles eurent lieu et des peuples entiers disparurent dans la peur et l’indifférence.  Dans l’adversité, des sorts, de plus en plus dangereux aux conséquences sans fins, inondèrent les terres et les monts.  Plus personne ne fut à l’abri et les peuples retournèrent à la barbarie, oubliant leurs connaissances.  Les deux grandes armées s’affrontèrent dans un orage de feu, d’éclairs et de pierres et ce fut la destruction presque totale. 

Des sorts furent lancés de toutes parts, dont quelques-uns subsistent encore aujourd’hui, comme celui qui empêche ceux des Montagnes Noires de ressembler à des humains lorsqu’ils les traversent et ceux de ce côté-ci, ne peuvent les traverser sans être possédés. Plus tard, à forces réduites, les deux grandes puissances continuèrent à se surveiller et créèrent des zones obscures, préparant le jour suivant.  Puis, vint le bras vengeur du Nargal…»

— Et pour le contrer, fit Ombre Blanche, coupant la parole à Celui qui voit tout.

Ayanti ne se sentit point décontenancé et continua.

— En quelque sorte mon ami, tu avais des prédispositions naturelles à contrer ces êtres peu ordinaires.  Une magie inconnue flotte dans leur énergie et elle est peut-être la réponse à cette guerre fratricide qui perdure.  Des pièges ont été installés un peu partout sur le territoire, des Monts Doré aux Montagnes Noires.  Nous avons eu la chance de découvrir l’antre de la bête et de la détruire à temps.  La force de l’ennemi a augmenté et la nôtre aussi, du moins le pensaient-ils.

Valrand comprenait très bien les sous-entendus.

— Avant d’entreprendre quoi que ce soit, nous devons savoir ce qu’Alex à découvert.  Oui, nous savons pour son odyssée et pour l’énergie que tu lui as consentie, dit Houpa

Connaissant les capacités visionnaires des deux hommes, Valrand ne fut pas surpris le moins du monde.

— D’accord, mais nous devrons attendre quelques jours, notre jeune ami est sorti d’un coma il y a peu et son cerveau doit se réadapter à ce qui l’entoure en ce moment, répondit Valrand

Houpa fit signe qu’il comprenait et consulta Ayanti du regard.

— Nous l’aiderons à récupérer plus rapidement, tout en tenant compte des fragilités de son cerveau lui répondit, Celui qui voit tout.  Je crois que notre jeune ami aura une agréable surprise à notre vue.

— J’en suis persuadé.  Valrand fit une grimace.

— Ouais, un peu plus Ombre Blanche, enchaîna celui Qui Vois Tout, le taquinant.

Plus sérieusement, Valrand les dévisagea.

 

— Combien de temps croyez-vous rester avec nous ?

Ses deux amis lui sourirent et Houpa prit la parole.

— Le temps qu’il faudra mon frère, nous t’accompagnons et nous nous installons à Rivière Pourpre.

Valrand fut très surpris et resta muet.

— La Croisée des Chemins est détruite et cela n’est pas sans conséquences et l’une d’elle réduira la protection de Rivière Pourpre, déclara alors Houpa.

Le regard sombre, l’Ombre Blanche ne put s’empêcher de fixer longuement ses amis.

— Si je comprends bien, une partie de l’histoire ne m’a pas été contée.

— Oui.  Répondit candidement Ayanti.

Ombre Blanche ne demanda pas immédiatement pourquoi et attendit patiemment qu’Ayanti se décide à parler.

— Le jour et la nuit, le bien et le mal, Ombre Blanche.  L’un ne va pas sans l’autre et la destruction de cette ville magique aura des conséquences sur l’autre, à tort ou à raison.  Selon nos visions, cette perte magique réduira celle de Rivière Pourpre et nous devrons t’aider à préparer une armée.  Le mal qui est contenu de l’autre côté fera irruption tôt ou tard et plus aucun sort au monde ne pourra l’empêcher.

— Et l’Enclume, perdra telle de sa force ?

— Non, son portail est soudé aux deux forces.  Quand son rôle sera accompli, l’un des deux envahira l’autre.  Pour l’instant, ton colonel blanc, un peu fou, contrôle très bien la situation.

Ce qui fit sourire Valrand, Laramie, ancien homme d’arme de l’empire du Sud, avait été recruté dans le même temps que Volkie et se trouvait à être son homme de confiance à l’Enclume.  Trois milles hommes entrainés contrôlaient le passage et la nation Katanan, forte de cinq milles âmes, vivait en paix aux pieds de l’Enclume.  La plupart de ces hommes y avaient emmené leurs familles et fraternisaient allègrement avec les natifs de la région.

— J’en suis heureux, répondit un Valrand songeur.

Houpa intervint.

— Qu’est-ce qui te préoccupe Valrand ?  Un petit sourire malicieux apparut sur son visage

— Comment avez-vous franchi le passage ?  Demanda Ombre Blanche, les fixant droit dans les yeux.

— Comme je te l’ai dit Ombre Blanche, par la voie des airs, lui répondit Houpa.

Voyant son regard interrogateur, celui-ci continua son récit.

— Un nuage volant nous a transportés.  Nos pères de l’arc-en-ciel ont des magies que nous ne connaissons pas.  Nous étions dans les petites plaines et puis nous nous sommes retrouvés à deux jours de marche de ton camp et le nuage a disparu.

Valrand savait que l’information ne pouvait être plus claire et il eut une réaction soudaine.

— Ça aurait été bien plus simple si j’avais eu ce coup de pouce !

— Et tu aurais manqué toute ces aventures, lui dit le plus sérieusement du monde son ami.

— Tu parles, réagit Valrand.

Les trois hommes éclatèrent d’un rire bien sonore.

Valrand reprit la parole.

— Et le temps qu’Alex récupère, quelle est la première chose à faire, d’après vous.

— S’entraîner pour de nouvelles aventures, rajouta Houpa en souriant.

La soirée finit dans la taquinerie.

***

 

Quatre jours plus tard, Alex recommençait à marcher.  Il fut surpris de la faiblesse de ses jambes. Elles supportaient à peine le poids de son corps et ses craintes martelaient constamment son mental encore fragile, lui faisant craindre le pire.  L’effort que cela lui demandait était horrible et il tentait par tous les moyens de rester concentré sur les gestes saccadés qu’il devait faire pour réussir à bouger.

Mine de rien, trois hommes l’observaient sans dire un mot.  Alex était tellement concentré, qu’il ne les remarqua que lorsqu’il se laissa choir sur son banc.

— Ça fait longtemps que vous êtes là ?  Demanda le jeune homme mal à l’aise.

— Oui.  Dit simplement Ayanti.

Prenant une respiration, la plus lente possible après l’effort qu’il venait de faire, Alex tenta de calmer sa nervosité.

— Vous êtes venus me dire bonjour ?  Lança-t-il retrouvant un peu son côté taquin.

— Nous sommes ici pour deux raisons, jeune homme.  La première, accélérer ta remise en forme, la deuxième pour te faire revivre quelques moments désagréables.

— Et si je vous disais que je n’ai pas envie de participer à la deuxième raison.

Le ton menaçant était bien présent, mais les trois hommes ne lui en tinrent pas rigueur.

— Et bien, je serai obligé de te donner la fessée, lui dit tout bonnement Ayanti.

— C’est vraiment obligatoire, je ne peux vraiment pas l’éviter ?

Inconfortable, le jeune homme ravala sa salive.

— Oui, pour la première et non pour la deuxième.

— Pourquoi ?

Cette fois, le désespoir voila son regard.

— Pour deux raisons.

— Encore !

— La première, pour comprendre certaines choses que tu as vues et la deuxième pour t’aider à comprendre ce qui t’est arrivé.  Quand tu auras équilibré à nouveau le petit pois qui te sert de cerveau, nous repartirons en guerre.

Alex sourit légèrement, mais des larmes coulaient le long de ses joues.

Ayanti s’approcha de lui et se fit rassurant.

— Je sais que ce ne sera pas facile Alex, mais je dois t’aider à surmonter ces peurs et une pierre de guérison dans ce cas-ci ne peut être d’aucune utilité.  Sur le plan physique, cela pourrait aussi être dangereux car l’anti guérison n’est nulle autre que la pierre de feu.

Alex réfléchit rapidement.

— Ce qui pourrait faire ressortir l’aspect négatif de ce que j’ai vécu.

— C’est possible Alex, je ne peux le certifier.

La franchise d’Ayanti ne laissait planer aucun doute et les regards de Houpa et Valrand en disaient long aussi.

— Ok, on commence par quoi ?

— Je vais commencer par travailler sur ton corps avec une méthode qui comprend ceci, regarde bien.

Celui qui voit tout sorti un petit sac rempli d’aiguilles.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?  S’étonna Alex, les deux yeux grands ouverts, légèrement apeuré.

— Une méthode de guérison.  Ne te fie pas à ce que tu vois, c’est beaucoup plus efficace que tu ne le penses.  Tu pourras courir dans très peu de temps, lui répondit Houpa, tout sourire.

— Je l’espère, déglutit Alex.

— Dans un premier temps, je vais faire chauffer ces aiguilles et te déshabiller complètement.  Ne t’inquiète pas, je ne vais pas te torturer, lui dit Ayanti d’un air malicieux.

Alex n’en menait pas large, mais il faisait confiance à l’homme.

— En attendant, voulez-vous savoir ce que j’ai découvert à la Croisée des Chemins ?

Les trois hommes se regardèrent surpris, croyant la mémoire d’Alex altérée par le sort des morts.

— Concernant l’autre côté en revanche, j’aurai besoin de votre aide pour différencier le vrai du faux.

— Alors, dis-nous ce que tu as découvert, Alex.

Alex prit une pause.

— Les Nargals ne sont pas ce que nous pensions.  Je ne sais pas ce qu’ils sont, mais pour des raisons que je ne comprends pas ces homm…hésitant sur le mot,

Les trois hommes étaient suspendus à ses lèvres.

— …ont une tête de lézard.

Tel un éclair, l’information stupéfia Ayanti et Houpa, plus que Valrand.

— Tu es certain de ce que tu avances ?  Lui demanda Celui qui voit tout.

— Oui, lorsque les tours de la Croisée des Chemins se sont écroulées, j’ai vu les Nargals sortir de leurs trous avec une tête de lézard.  Ce n’était pas une illusion, j’ai bien vu leur tête changer.

Devinant leur question, Alex savait ce qu’il avait vu.

— Est-ce que tu as parlé de ta découverte à quiconque ?  Lui demanda Valrand.

— Non, j’attendais que vous me posiez la question et ne tentez pas de m’endormir cette fois ci. Rétorqua-t-il, finissant sa phrase sur un ton agressif.

Ayanti posa la main sur le bras de Valrand et d’un seul regard lui fit comprendre qu’Alex subissait encore les contre-coups de la violence qu’il s’était lui-même imposée.

— Il n’est nullement question que je te fasse oublier ce que tu sais Alex, bien au contraire. Raconte-moi tout ce que tu peux, lui dit gentiment Ayanti.

Alex commença alors son récit, pendant que Celui qui voit tout lui enfonçait les aiguilles un peu partout, à des endroits stratégiques du corps.  Le garçon ne se rendit aucunement compte de ce qui se passait et raconta ce qu’il avait vu.

Les paysages, leur immensité, la volière, ses bâtiments en ruine, l’immense trou, ses odeurs, ses habitants, des hommes à têtes d’animaux, un château en phase de rénovation et un miroir qu’il brisa.  Puis il raconta son état, sa haine pour le genre humain, son goût du sang, son plaisir d’être le mage rouge et sa peur de disparaître et Alex se mit à sangloter comme un bébé.

Ayanti le calma avec ses précieux soins et le jeune homme s’endormit, apaisé pour la première fois depuis son retour.

Les trois hommes se regardèrent, estomaqués par toutes les informations que le jeune homme venait de leur fournir.

— Nos pères ne se sont pas trompés, le vent de la guerre est sur nous.  Nous devons t’aider à te préparer, malheureusement beaucoup d’humains mourront.

C’était un Ayanti très triste qui s’exprimait.

— Je suppose que le miroir était la porte d’entrée des Nargals, suggéra Valrand.

— Oui, répondit simplement Ayanti.

— Maintenant, nous savons d’où ils viennent.  Ceux qui sont encore sur le territoire ne peuvent plus repartir, ils mourront jusqu’au dernier.

— Tu as raison Ombre Blanche, Alex devra nous accompagner.

— Il y a quelque chose d’autre qui t’inquiète Ayanti, n’est-ce pas ?

Ce dernier regarda Valrand, sachant que celui-ci ignorait beaucoup des événements qui s’étaient produits durant la guerre des mages.

— Le château…  Nos anciens l’avaient surnommé le lieu de perdition.  Lors d’une grande bataille, les pères de l’Arc-en-ciel avaient réussi à contrer un sort et en jetèrent un au château fort.  Ce lieu de magie paralysa beaucoup les maîtres de l’éclair et les maîtres de l’Arc-en-ciel crurent en leur victoire.  Baissant leur garde, ils subirent un sort semblable et ne surent jamais d’où cela était venu.  Aujourd’hui, Alex nous annonce que le château est sur le point d’être restauré, c’est beaucoup plus qu’un mauvais présage, l’ennemi reprend des forces et une révélation nous est faite.

Valrand comprit rapidement.

— Un ennemi caché… le Fléau.

— Exact, mais quel est son vrai nom ?  S’était-il associé ou était-il l’instigateur ?  Ceci pourrait nous révéler la source de cette guerre fratricide et si c’est le cas, l’instigateur connaîtra la douleur.  Il s’est installé sur une autre grande île et a pu préparer son armée et réduire son peuple.

Ayanti pris une pause et Valrand continua.

— Maintenant, il nous envoie des gens effrayés, des espions, des fouteurs de merde comme les Trois Arcs, des Nargals à tête de lézard, des oiseaux et j’en passe.  Tout ça pour semer la zizanie et le doute.  Cette saloperie de Fléau est très rusée, nous sommes sur la défensive depuis des années et il se joue de nous.  Jamais nous n’avons eu l’avantage, il nous évalue et analyse nos forces

Valrand se mit à sourire se rappelant ce qui s’était dit un moment plus tôt.

— La destruction du miroir par le mage rouge dans leur château fort et par la suite son départ spectaculaire.  Pour eux maintenant, ils ont une inconnue dans leurs calculs.  Je crois que nous venons de retarder leur invasion, du moins pour un temps, soupira Valrand.

— Tu en viens aux mêmes conclusions que nos pères Ombre Blanche.  Plusieurs d’entre nous seront à la frontière des grandes vallées en attente des convois qui passeront.

— Que diront leurs propriétaires Houpa ?

— Le peuple invisible saura distinguer le bon grain de l’ivraie et détruira tous ceux qu’il jugera néfastes.  Tu auras besoin d’hommes et je suis certain qu’il y aura de tout dans ces convois et nos amis des autres nations seront bien heureux de participer à quelques rapines bien choisies.

Le sourire de Houpa en disait long sur les convois qui pourraient être visés.

— Et moi, j’aurai à relocaliser les survivants, rigolant.

— La manipulation, est une vilaine chose, déclara Ayanti.

— Tu as raison Ayanti, nous devrons manipuler des gens qui auront été manipulés, certaines situations l’exigent.  Mais je le jure, personne ne sacrifiera sa vie sans savoir pourquoi.

— C’est tout en ton honneur Ombre Blanche, le plus difficile sera de trouver la Tête Noire, le petit serpent empoisonné à son bord, il y en a toujours un.

— Un cadeau quoi, Valrand haussa les épaules, comme si tout cela était naturel, puis il se sentit préoccupé par tout le tohu-bohu que cela occasionnerait. 

Celui qui voit tout le remarqua.

— Tu te préoccupes d’un problème qui n’a pas lieu en ce moment Ombre Blanche, ne crains pas qu’il t’oublie, il sera là au moment opportun.

Valrand soupira.

— J’avais oublié quel plaisir c’était de discuter avec toi, Celui qui voit tout, ajouta-t-il en rigolant.

— Cabotin, va !

Les trois hommes aimaient bien se taquiner, Valrand appréciait plus que tout, ces moments qui lui faisaient oublier toute tension

 

***

 

Le matin arriva, accompagné par les cris des oiseaux nichant sur les rochers décharnés qui émergent des eaux au milieu du lac.  À l’abri des prédateurs terrestres, les oiseaux nicheurs tourbillonnaient alentour, approvisionnant leur progéniture.  Une légère brume, provoquée par l’humidité ambiante, s’éleva des prairies de l’Éden et les insectes devinrent insupportables. Chaque jour donnait naissance à de nouvelles larves, étirant un printemps qui n’en finissait plus, augmentant sans cesse ces bataillons ailés qui bourdonnaient et piquaient sans cesse.  Pour bien des gens, les terres de l’Éden étaient la terre de l’enfer, mais pour ceux du camp, c’était la terre des miracles.  Partout où ces gens avaient travaillé la terre, aucune récolte ne poussait aussitôt. L’Éden leurs donna nombre de légumes très nourrissants de couleurs crème, orange et vertes et grâce à l’huile de gargonne, personne ne semblait dérangé par les insectes, ce qui faisait le bonheur de plusieurs.  Par contre, les réserves s’amenuisaient et les craintes grandissaient.  Et vivre dans un monde de bestioles vous bouffant jour après jour ne semblait plaire à personne.

Dans la torpeur du petit matin, des cris retentirent chassant la quiétude de ce début de journée.

— Allez tas de branleurs, bougez-vous le popotin, vous dormirez tout votre saoul lorsque vous serez morts.  Nous avons de la terre à transporter, bande de corniauds et le temps est précieux. Hurla un Galbrigt de fort belle humeur.

Depuis quelques jours, les hommes avaient transporté des tonnes de terre et surélever le promontoire.  Valrand leur fit comprendre que ce n’était pas un fortin qu’ils construisaient, mais un mur de protection contre les vents d’hiver.  Malgré l’abondance de ce territoire, le capitaine leur expliqua les aléas que présentait l’endroit, ajoutant qu’aucune année n’était pareille à la précédente et qu’il ne fallait rien prendre pour acquis.

Les habitants des villages détruits corroborèrent les dires du capitaine et nul ne mit en doute les dires du soldat.  Tous avaient entendu les histoires concernant la fin des Polonistes et personne n’eut envie de défier le sort à nouveau, l’on préféra prier en silence, espérant un jour pouvoir s’installer définitivement.

En peu de temps, le camp se retrouva en ébullition, de la fabrication de flèches à l’entraînement des enfants, tout fut coordonné.

 

Valrand se dirigea vers un lieu retiré à l’abri des regards indiscrets, accompagné de Houpa et de Celui qui voit tout.  Les trois hommes avancèrent d’un pas assuré dans les hautes herbes, malgré les dangers qui pouvaient s’y cacher.  Arrivés à un point précis, les trois hommes écartèrent ce qui nuisait à leur vue.  Un petit vallon entouré de trois collines leur révéla un secret : un jeune homme en plein entraînement, arborant un éclair et éprouvant des sautes d’humeur.  Les contours des collines étaient noircis par endroit, reflétant justement les conséquences de son humeur.

 

Les trois hommes se regardèrent et Ayanti fit signe de le suivre.

— Allons voir notre gentil garçon, dit-il en haussant les épaules et soupirant, faisant sourire ses deux comparses.

Les trois hommes s’approchèrent sans aucune discrétion, pour être certains que le jeune homme ne soit pas surpris.

— Comment va notre ami ce matin ?  Demanda Ayanti.

— Tiens mes trois tortionnaires et leurs éternelles stupides questions, répondit sèchement Alex.

— Je vois que tu vas mieux, fit Ayanti tout sourire.

Alex donnait l’impression d’être en rage et tentait d’esquisser un sourire.  Sa dualité le rendait parfois acerbe et l’indisposait aux commentaires désagréables qu’il balançait à tout va.

— Comme vous le voyez, je me défoule.

Alex continua à faire différents mouvements d’épée, jaugeant sa flexibilité et son endurance.

— Ta capacité physique est agréable à voir, Celui qui lit dans les gens, déclara Houpa.

— Je suis heureux que cela te fasse plaisir, répondit rudement ce dernier.

La tristesse qu’Alex affichait n’avait rien à voir avec son discours.

Les trois hommes ne lui en tinrent pas rigueur et restèrent stoïques face aux insultes.

— Alors vous êtes venus voir les progrès du chien savant ?

— Pour l’instant, le chien grogne, pestifère, jappe mais ne mord pas.  Accepte cette force qui t’est donnée Alex et fait un Galbrigt de toi, lui lança Valrand.

Alex se mit à rire, mais de façon bestiale et cruelle.

— Toujours aussi provocateur capitaine, mais j’aime votre humour.  Cela provoque de la joie dans mon cœur.

Ayanti s’avança vers lui.

— Je dois t’examiner Alex.

— Vas-y vieux bouc, fais ce que tu as à faire et ne me fais pas perdre mon temps.

Alex se fit violence pour tempérer ses ardeurs, mais bouillait d’impatience en-dedans. Lorsqu’Ayanti s’approcha de lui, Alex laissa tomber ses armes pour ne pas avoir des envies de meurtre.  Ce qui rassura ses trois protecteurs.

— Quand ?  Fut la question d’Alex, surprenant les trois hommes.

Ayanti était tout heureux de la question.

— Bientôt Alex, ta question démontre que tu reprends le contrôle de ta véritable personnalité.

— Il était temps vieux débris, te faire vivre un enfer voilà, ce à quoi je pense.

— Ce ne sera pas dans longtemps, mon garçon, lui répondit simplement Ayanti ne tenant pas compte des injures d’Alex.

— C’est encore trop long, vociféra-t-il, lançant un éclair sur une colline et faisant sortir sa rage.  Soudain, Alex tomba à genoux, tremblant de tout son être, cherchant à reprendre son souffle.

— Je suis fatigué Ayanti, si fatigué.

— Dis Alex, tu veux bien me répéter ce que tu viens de me dire ?   Ayanti l’observa attentivement.

Alex soupira.

— Si tu veux Ayanti, je me sens épuisé.

Voyant Celui qui voit tout arborer un large sourire ainsi que la joie qu’affichaient Valrand et Houpa.

— Vous… vous croyez que je suis guéri.

— N’en doute pas un instant mon jeune ami.  C’est la première fois depuis une quinzaine de jours que tu arrives à faire deux phrases sans nous agonir de bêtises, rigola-t-il comme un enfant et entraînant les autres.

Les larmes coulaient le long des joues d’Alex.

— J’ai cru être perdu à jamais.

— Je te crois Alex, affirma Ayanti.

Ayanti poursuivit.

 

— Tu dois savoir mon jeune ami et retenir ceci : Pour chaque humain, il y a une part de haine et une part d’amour et celui qui a la chance de découvrir ces deux facettes a l’occasion de devenir un homme meilleur.  Plusieurs expériences peuvent nous éprouver, mais certaines peuvent nous transformer et l’une d’entre elles nous fait nous confronter à nous-mêmes et nous fait nous remettre en question.  Vois-tu Alex, la haine a son utilité et peut nous permettre de survivre, comme celle que tu viens de vivre.  Lorsque nous en prenons conscience, il suffit de l’accepter pour redonner une chance à l’amour de refaire surface.  N’oublie jamais ce que tu as vécu, car cette expérience te sera toujours utile dans cette vie.  Ne doute jamais de qui tu es Alex, car même le meilleur homme a connu le pire et celui qui croit l’avoir connu peut se préparer à vivre une autre expérience.

Voyant le regard déconcerté du jeune homme, il ajouta :

— C’est vraiment éducatif ce que je viens de dire, n’est-ce pas ? Rigola Ayanti.

— Je…je… peut-être, répondit-il très hésitant.

— Viens avec nous et laisse tomber les paroles vides d’un vieil homme.

— Vous croyez que je suis prêt ?  Demanda un Alex au regard triste.

Houpa prit la parole.

— S’il faut te botter le derrière pour que tu nous suives, c’est avec plaisir que je vais m’y appliquer. Qu’en penses-tu ?  Lui dit un Houpa pince sans rire.

— Je préfère m’en passer Houpa, je crois que je vais vous suivre.

Ressentant une extrême fatigue, Alex se demandait s’il serait capable de grimper l’une des trois collines.

— Ne t’en fais pas Alex, cette fatigue s’envolera avant la fin de la journée.  Tiens, appuie-toi sur moi, offrit Valrand lui présentant son épaule.

Alex ne se fit pas prier et apprécia le support, se concentrant sur l’effort à faire pour gravir l’obstacle.

— Demain tu commenceras un tout nouvel entraînement, lui annonça Valrand.

— Lequel ?  Questionna Alex.

— Celui des Leapons et crois moi, tu vas en baver.  Nous repartons en guerre.  Nous n’avons pas grand temps, le cycle des insectes se termine bientôt et la chaleur deviendra insupportable. L’armée Nargal qui est stationnée aux Trois-Souches est forte de huit milles hommes et dirigée par un général très créatif.  Son armée vit dans les sous-sols, bien à l’abri des monstres ailés et il a fait installer quelques pièges au cas où.

— Et quand partirons-nous ?  S’enquit le jeune homme essoufflé.

— Demain.  La réponse tomba comme si de rien n’était.

Alex se mit à chercher son air, paniqué qu’il était.

— Je ne…suis…pas…prêt !  Il haletait comme s’il venait de courir un kilomètre.

Valrand s’arrêta et le regarda droit dans les yeux.

— Tu l’es, malgré ce que tu en penses et malgré la situation.  Tes forces vont te revenir rapidement, celles d’Alex et non pas celles du mage rouge.  Alors, sois patient avec toi, ton air moqueur te reviendra sans problème.

— Vous croyez ?   Dit Alex arborant un léger sourire.

— Certain, la preuve : les éclairs qui marquaient ton visage, viennent de disparaitre.  Je crois que plusieurs personnes ont hâte de revoir le vrai Alex.

À ces dernières paroles, le jeune homme devint songeur et retint ses larmes, se rappelant les dires de sa sœur Tania.

— Je suis sûr que ta sœur Tania sera contente de revoir son grand frère, celui qui n’a pas une tête de cochon.

— Vous avez raison capitaine, il est temps que j’en sache plus sur cette histoire de cochon.

Les trois hommes sourirent, heureux de retrouver le naturel du jeune homme.

 

Chapitre 2

Le massacre

Depuis une semaine, durait une course folle en direction du Sud-ouest.  Les hautes herbes ployaient sous le poids des coureurs, créant trois sillons distincts, tout en dissimulant le nombre exact des hommes.  Alex avait déjà eu une expérience antérieure avec les natifs lors de son exploration de la rive nord du lac de la vallée des Monts Dorés, à la différence qu’il n’avait pas couru autant.  La fluidité dans leurs mouvements fut tout aussi posée que s’ils avaient pris une simple marche, évitant les pièges que la nature seule pouvait dissimuler.

Valrand lui avait dit que son entraînement ne serait pas de tout repos avec les Leapons et pour l’instant, il trouvait l’exercice essoufflant et ses poumons commencèrent à souffrir de la chaleur ambiante provoquée par l’humidité.  Il fut soulagé lorsqu’une halte fut demandée.  Avec une discipline impeccable, l’armée Leapon s’arrêta instantanément.  Alex observa ce qui se passait autour de lui.  Personne ne dit mot, tous semblaient concentrés sur la mission qui leur incombait. Un homme vint dans sa direction et il le reconnut, c’était Houpa.

— Maintenant, nous allons courir plus lentement et nous arrêter souvent, pour éviter de nous retrouver avec les poumons en feu.  Pour garder ta concentration et rester alerte, tu feras comme nous.  Ton arc deviendra le prolongement de ton bras et c’est avec cette arme que tu apprendras à onduler.

Sur ces dernières paroles, Houpa lui jeta un regard qui en disait long.

— Prépare-toi mon ami !

Puis, il tourna les talons pour reprendre la tête de ses troupes.  Sur l’entrefaite, Argent se rapprocha d’Alex et lui montra comment tenir son arc pour ouvrir le chemin.

Après quelques minutes, la course reprit mais cette fois-ci, elle ne se fit pas en ligne droite mais en ondulant comme un serpent, l’arc pointé vers l’avant faisait glisser les hautes herbes sur le côté.  Alex observa Argent qui changeait de main aux cinq secondes, ondulant dans la direction de la main, l’exercice était loin d’être facile.  La chaleur se fit ressentir davantage et Alex ne comprit pas le sens de ce qu’il faisait.  Des douleurs se firent sentir aux poignets et aux bras, sa respiration devint plus ardue et sa vue s’embrouilla.  Le temps passa et Alex finalement comprit que lorsqu’il changeait de direction, son cerveau lui ordonnait de rester présent, que le fait d’être en changement continuel le gardait alerte et sa souffrance physique lui rappelait qu’il était bel et bien là.

Le temps passa et effectivement, les haltes furent plus nombreuses et fortement appréciées.  Les muscles endoloris, Alex peinait et se demandait pendant combien de temps il serait soumis à ce genre d’entraînement.  La journée s’acheva, les poumons et le cerveau en feu, Celui qui lit dans les gens ne lisait pas grand-chose à ce moment-là.  Ces tempes martelaient sans cesse, il avait le souffle court, ce qui l’empêchait de se concentrer et tout ce à quoi Alex pensait était de s’arrêter pour la nuit et de se masser les bras s’il en avait la force.  Son désir fut comblé; l’ordre fut donné de se préparer pour la nuit.  Alex laissa tomber son arc devenu trop lourd et se défit de son carquois, se libérant ainsi de toute entrave.  Valrand et Houpa vinrent le rejoindre et le Leapon fut le premier à lui adresser la parole.

— Comment vont tes bras Alex, demanda le Leapon en lui prenant un bras et en l’examinant.

— Je sens mon cœur battre à travers eux, fit Alex en grimaçant.

Le temps de le dire, les deux hommes lui appliquèrent une pommade à base de graisse de gargonne et lui massèrent les avant-bras et les poignets.

— Demain, ce sera pire, lui annonça Houpa.

Pour toute réponse, Alex lui jeta un regard d’enterrement, ce qui fit rigoler les hommes près d’eux.

— Tu as tort de te décourager pour demain Alex, le jour d’après sera encore plus terrible.

— Et c’est sensé me remonter le moral Houpa ?

— Non, lui répondit-il le plus sérieusement du monde.  De te préparer à souffrir, c’est important.

Alex aurait voulu répondre quelque chose mais la bouche lui resta ouverte comme, prêt à gober une mouche.

Houpa lui fit des gros yeux.

— Tu devrais fermer la bouche Alex, sinon une sauterelle va s’y installer !

Les hommes rigolèrent un bon coup et se préparèrent à passer la nuit.

 

***

 

La nuit fut agitée pour Alex et son sommeil peuplé de nombreux cauchemars.

L’aube finit par arriver, accompagnée d’une légère bruine qui tomba doucement, réveillant par le fait même la voracité des insectes piqueurs.  L’armée des natifs s’éveilla lentement au gré de l’énergie ambiante, la fatigue de la veille envolée pour la plupart d’entre eux, à une exception près… Alex.

 

Les jambes lourdes, les bras enflés, la levée du corps fut des plus difficiles.  De peine et de misère, le jeune guerrier força son corps à obéir.  Debout, les yeux au ciel, sa pensée allant sur la difficulté à venir, il se demandait comment il y parviendrait.

Valrand le ramena dans le présent.

— À quoi penses-tu Alex ?

— Heu… hésitant, se regardant les bras.

— Je suppose que tu te demandes comment tu feras aujourd’hui.  Le regard de Valrand était compatissant.

— J’avoue, que… c’est la question que je me pose, soupira Alex.

— Et quand tu as attaqué l’ennemi sur son territoire, est-ce que tu t’es demandé ce qui pourrait t’arriver le lendemain ?  Valrand se croisa les bras, amusé

— Vous avez raison, Valrand.  Je crois que lorsque je dirige une quête, je ne me pose aucune question sur mon état, tandis…

Alex n’eut pas le temps de terminer sa phrase.

…tandis que maintenant, tu t’interroges sur l’effort à consentir aujourd’hui.  N’oublie pas mon jeune ami, que des milliers d’hommes t’ont suivi à travers champs et l’effort que tu y as mis ne te fit te poser aucune question.

Les yeux tristes, Alex regarda Valrand.

— Je crains qu’il ne me soit resté des séquelles et que ma guérison soit incomplète.

— Oui, des séquelles tu en as et ta guérison peut prendre une vie, si tu décides de continuer de subir.  Tu dois accepter ce que tu as vécu.  Non pas dans la résignation, mais plutôt en acceptant ce que tu ne peux pas changer et en te servant de l’expérience pour réaliser que tu es un humain, avec ses forces et ses faiblesses.

Houpa arriva sur l’entrefaite.

— L’effort que tu consens aujourd’hui Alex, te fait réaliser tes faiblesses.  L’entraînement que nous t’obligeons à faire n’est pas sans raison et l’épuisement que tu atteindras te sera bénéfique.  Des visions te viendront dans cette souffrance, plus que jamais tu devras rester concentré sur l’action présente.  Pour l’instant, nous allons soulager tes bras et tes jambes.  Ta résistance te reviendra, n’aie crainte.  Cependant, tu dois vider ta tête de toute peur et faire confiance à ton intuition.

Pour toute réponse Alex fit signe de la tête qu’il approuvait.

Peu de temps après, la troupe se remit en marche et les muscle moins tendus, Alex put se concentrer sur sa respiration ainsi que sur la mission à venir.

 

***

 

Les cris d’enfants hardis aux jeux étaient l’âme de la vie du village.  Plusieurs hommes se trouvaient aux champs ou bien à la chasse.  Tandis que les plus vieux jetaient un coup d’œil aux plus jeunes, question d’éviter les accidents.  La vie était agréable malgré la guerre qui sévissait dans les plaines.  Beaucoup agissaient comme si la situation ne les concernait pas.

Des ombres marchaient dans leur direction, intriguant les habitants.  Curieux et craintifs à la fois, les gens observaient.  Les reflets se dégageant de ces ombres empêchaient de distinguer correctement ce qui venait vers eux.  L’intrigue se transforma en anxiété et l’angoisse augmenta au fur à mesure que les ombres se rapprochaient.  Les jeux s’interrompirent et les cris de joie se turent.  Le malaise s’installa, apeurant les plus jeunes.

L’ombre se distinguait par sa hauteur et le bouclier qu’il transportait.  Une étincelle jaillit et la lame étincelante du soldat s’abattit.   Des hurlements remplacèrent les cris de joie.  La destruction systématique commença, des cris, des pleurs fusèrent de partout dans le village.  Ceux qui voulurent fuir, réalisèrent trop tard que d’autres soldats de Polon les avaient contournés et ils furent pris au piège.  Ces monstres n’avaient aucune pitié.  Tout ce qui était en rapport avec les humains, huttes, puits, tout cela fut détruit par l’épée de Polon.

Le carnage dura des heures.  Les derniers vestiges du village heureux et insouciant se perdirent dans le grésillement des résidus de feu laissés par les destructeurs.  La grande faucheuse avait fait son œuvre, les cadavres mutilés se retrouvèrent en pièces détachées, éparpillés aux quatre vents.  Un message de terreur venait d’être livré, les rapaces prirent la suite.

 

***

 

Les hautes herbes ondulaient toujours.  Alex les muscles endoloris souffrait le martyre et il avait peine à rester concentré sur sa respiration.  La course devint plus rude, soudain celui-ci remarqua une chose qu’il n’avait pas vue la journée précédente.  Les guerriers courant à ses côtés inclinaient légèrement leur corps à chaque changement de main.  L’idée de les imiter lui vint rapidement à l’esprit et il réalisa que son poids interférait plus facilement sur l’effort que lui demandait ses bras et ses poignets.  Alex se remit à sourire croyant être sorti d’une difficulté et rapidement ses muscles abdominaux lui firent sentir qu’un nouveau problème venait de se pointer.

 

Lâchant subitement un cri, Alex s’écroula sous l’horreur d’une vision de dévastation.  Les natifs s’élancèrent à son secours, Alex pleurait comme un enfant, sa souffrance était intolérable à voir.

Les natifs laissèrent passer Houpa et Valrand, tout aussi pantois devant la situation.

— Qui y-a-t-il Alex ? Qu’as-tu vu ?  Lui demanda Houpa.

Alex leva les yeux vers son interlocuteur, le visage torturé, rempli d’effroi.  Avec difficulté, il tenta de leur dire de quoi il s’agissait, mais il était incapable d’émettre un son, se sentant vaciller tant la souffrance était profonde.

— Ne résiste pas Alex, accepte les émotions qui te sont présentées, lui dit Houpa voulant se faire rassurant.

Perdu dans ses pensées les plus sombres, le jeune homme donnait l’impression de combattre un ennemi invisible et dans un effort suprême, il tenta de formuler quelques syllabes.

— Arrrrg…vill…hohc…

— Prends ton temps Alex, lui dit calmement Houpa.

Sentant qu’une énergie venait le soutenir, Alex devint un peu plus cohérant.

— Village… massacré, émit-il dans un souffle.

— Ils ont tout détruit.

— Qui, Alex ?  Qui a tout détruit ?  Demanda Houpa.

— Les soldats de Polon !  Haussant le ton.

— Ces horreurs ont massacré des enfants, des femmes et des gens sans défenses.

De ses yeux exorbités émanait une énergie qui nourrissait sa haine et sa fureur.

— Contrôle ta colère !  Lui ordonna Houpa.

— Accepte ta douleur, tu ne peux pas changer quoi que ce soit à ce qui est arrivé.

— C’est ma faute… c’est de ma faute, ils se sont vengés.

Pleurant comme un enfant, Alex était complètement sous le choc.

Valrand comprit qu’il devait intervenir : il l’empoigna au collet et lui parla dans le blanc des yeux.

— Tu crois, sale morveux qu’ils auraient attendu après toi pour faire leur sale besogne.  Cesse de pleurnicher et reprends-toi !  Trouve les repères qui peuvent nous être utiles.  Un mort est un mort Alex.  Trouve le village et les survivants !  Tonna-t-il, le secouant comme un prunier.

Saisi par le ton du capitaine, Alex retomba à genoux, se prenant la tête à deux mains, poussant un véritable cri primal !

— Je… je vois, fini-t-il par dire, tremblant de tous ses membres.  Je vois un village avec des chaumières en herbes tressées…  Je ne vois aucun survivant.

Alex était secoué par les sanglots.  Les hommes qui l’entourèrent gardèrent le silence, seul Valrand intervint.

— Qui était l’agresseur Alex ?

Un son à peine audible sortit de la bouche d’Alex.

— Vous le savez.

Aussitôt Valrand lui répondit sur le même ton agressif.

— Ce n’est pas à moi de jouer aux devinettes Alex, alors pour la deuxième fois, qui était-ce ?

Dans un effort suprême, Alex revivant la scène, grogna comme un animal.  Ses yeux s’agrandirent de stupeur, il perçut la scène comme s’il y était, à la différence qu’il ne ressentait aucune émotion, seul l’ordre de tuer remontait en lui.  Réagissant aussitôt, comme s’il sortait d’un rêve éveillé, il s’écria :

— Des soldats de Polon lâchés dans la nature, avec ordre de tuer et de détruire tout ce qui se rapporte aux humains.  Le village est très loin d’ici, mais le massacre ne s’arrêtera pas à celui-là. Nous devons les sauver, ordonna Alex, les yeux mauvais, comme s’il était sous contrôle hypnotique.

 

Valrand claqua des doigts.

 

— Reviens vers nous Alex, reviens…

Les dernières paroles prononcées par Valrand, parurent irréelles au jeune homme, dont le cerveau semblait voyager dans un brouillard.  Il ne comprenait plus rien et ne pouvait se fier à ses sens.  Tout lui semblait se dérouler au ralenti.  Il trouvait cela amusant et apeurant à la fois.

Alex sentit quelque chose de froid sur son front, puis il vit graduellement apparaître une main.  La vue lui revint peu à peu et ses pensées devinrent plus claires.

.

— Que s’est-il passé ? Demanda tout bonnement Alex.

Valrand et Houpa se consultèrent du regard.

— Tu as eu une vision.  Lui dit tout simplement Houpa.

Malgré sa mémoire vacillante, sa vivacité d’esprit revint rapidement.

 

— Vous croyez que je vais déraper longtemps comme ça ?  S’enquit-il, une étincelle espiègle dans le regard, ce qui rassura du même coup ceux qui l’observaient.

— Maintenant je crois que tu es guéri Celui qui lit dans les gens, déclara Houpa.

— Et le village que je vous ai décrit, il se situe où ?

— Et bien je vais dire comme mon ami, tu sembles totalement remis, aussi vif qu’un chat retombant sur ses quatre pattes.  Le village en question est à environ un à deux mois de marche de la Croisée des Chemins.  Nous sommes beaucoup trop loin pour intervenir et bien d’autres gens souffriront à leur passage, lui confirma Valrand.

Alex réalisa qu’il était impossible de leur porter secours.

— Mais pourquoi ai-je eu cette vision, si je ne peux pas les aider.  C’est un non-sens !

Houpa lui fit signe de s’assoir, il était temps de prendre une pause.  Puis, feignant de regarder le soleil, il ajouta:

— C’est toujours un non-sens lorsque l’on ne comprend pas, Celui qui lit dans les Gens.

— Je sais que tu as raison Houpa, mais… cette vision si réelle que j’ai eue, c’était comme si j’étais l’un deux.  J’étais heureux de tuer.  Je ne ressentais pas cette colère en moi.  Pourquoi m’a-t’on permit de voir ce massacre et pourquoi aujourd’hui ?

Alex se leva et fit les cent pas, tournant sur lui-même, réfléchissant à haute voix, ne se rendant pas compte que tous le suivaient du regard.  Finalement, voyant que personne ne lui répondait, il réalisa le côté burlesque de la situation et prit conscience qu’il était debout, gesticulant, observé par les natifs.  Il ne put s’empêcher de rire.

 

— Tu peux te rassoir, Celui qui lit dans les gens lui signifia Ayanti en lui faisant signe.

Houpa reprit la parole.

— Se demander pourquoi est toujours une mauvaise question, jeune guerrier.  Je te l’ai déjà dit, cherche plutôt à comprendre et à apprendre par les événements qui te sont révélés.  Dis-moi plutôt ce que tu sais, ce que tu as appris, jeune guerrier.

Le ton de Houpa se fit plus solennel et sérieux et Alex comprit que cela faisait partie de son enseignement et qu’il se devait de devenir un homme.

— Je sais qu’il y a encore de ses abominations de soldats de Polon lancés dans les champs et que je ne peux me lancer à leur poursuite, même si cela me fait mal.  Ma mission première est de me rendre aux Trois Souches, tout en m’entraînant.  Les yeux d’Alex s’agrandirent !  Et surtout d’éviter que le convoi ne subisse les foudres de l’armée Nargal.

— Est-ce tout ?  Demanda tout simplement Houpa, surprenant Alex.

— Heu…je crois que pour l’instant, c’est tout… Hésita-t-il.

Houpa se leva.

— Alors je crois que nous allons continuer à courir encore un peu.

Au grand désarroi du jeune guerrier, la troupe se remit en marche.

 

***

 

Le camp fonctionnait bien malgré les inquiétudes et les journées paraissaient courtes sous le poids des différentes corvées.  Certains en revanche trouvèrent le moyen de profiter de quelques escapades pour se rapprocher.

— Wouach !  Vous n’êtes pas tannés de mélanger votre bave à bébé.  Demanda Mia sous le regard médusé de son frère Thymie, ce qui fit rougir Anita.

— Depuis quand est-ce que tu nous espionnes Mia ?  Lui demanda sèchement son frère.

— Je ne t’espionne pas du tout gros corniaud, tu es partout où il ne faut pas.

— Ouais, je vais dire comme mon amie, commenta Daphnée…

— Ouais, ouais je connais la réponse Daphnée, vous êtes comme deux pots de colle qui ont pour seul but d’emmerder les grandes personnes.

— Quoi !  S’écria Mia, les deux mains sur les hanches.

— Tu crois qu’en échangeant ta bave avec Anita, tu es devenu un adulte, wouach…

Les deux petites se tordaient de rire et Anita ne put s’empêcher de faire de même.

— Vous êtes pire que des mégères rétorqua Thymie à court de mots.

Sur l’entrefaite, Tania arriva accompagnée de Mégan.

— Alors les pucerons vous avez rempli votre mission ?

Thymie se demandait de quoi il était question.

— On n’a pas encore eu le temps de le dire au cabochon chef, il avait encore la bouche pleine.  Les filles éclatèrent de rire, Thymie devint rouge écarlate.

— Espèce de petite grenouille visqueuse, je vais t’étrangler, faisant mine de joindre le geste à la parole.

— Tu ne peux pas, tu ne peux pas, on doit aller voir Ours Brisé.

— Ours Brisé !  Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ?

— Parce que tu avais de la bave dans les oreilles, gros béta, répliqua Mia s’amusant ferme.

— Un jour tu verras, je vais te tuer.

— Et ce jour-là, la légion de feu te bottera les fesses, lui assura Tania.

— Bande de grenouilles va !  Lança Thymie.

— Et c’est toi qui fais le crapaud, weurk weurk, rigola Mia.

— Tu es sûr que tu as vieilli, de seulement un an ou deux, depuis les Monts Dorés Thymie? Demanda Anita.

— Et comment j’aurais fait ça dis-moi, les journées ne passent pas plus vite que d’habitude Anita, argua-t-il en faisant une mimique.

Mia ne fut pas en reste et s’amusa aux dépens de son frère.

— Un jour, tu finiras par comprendre certaines subtilités du langage des jeunes filles.

— Ouais quand tu seras adulte, renchérit Thymie.

La cacophonie reprit de plus belle et Anita admira cette franche taquinerie.

— Au fait, qu’est-ce qu’il veut Ours Brisé ?  Demanda Anita.

— On n’en sait rien !  Répondirent en cœur les filles.

— Méchante mission, répondit Thymie.

Tout en gardant son entrain, le groupe se dirigea vers le campement d’Ours Brisé.  Un vieil homme assis par terre devant sa tente les aperçut, un rictus à la bouche.  Sa haine pour ces enfants n’avait d’égale que celle de Fleet, le représentant des Trois Arcs.  Nuage Gris, chef sans clan Akapi, maugréa en sourdine à la vue de ceux qui étaient la cause de sa destitution.  Il avait coupé sa tresse et vivait en solitaire au milieu de ses semblables qu’il méprisait.  Chaque fois qu’il voyait apparaître un de ces enfants, son cœur se noircissait et il cherchait un moyen de les éliminer.  Pour l’instant, sa patience était mise à rude épreuve et il se devait de faire profil bas, en revanche l’homme était observé par des gens discrets n’ayant pas les mêmes buts.

 

 

La petite troupe arriva en vue de la tente d’Ours Brisé et, comme par hasard, le vieil homme sortit pour les accueillir.

— Bonjour les enfants, je suis heureux de vous voir.

— Caporal-chef Tania Durante et ses soldats au rapport, chef!

— Merci les enfants, maintenant je voudrais parler à ses deux jeunes gens, dit-il en pointant le jeune couple.

Voyant que personne ne bougeait, Ours Brisé soupira.

— Vous deux, à l’intérieur et vous autres vous pouvez chercher d’autres missions, dit-il en leur donnant congé.

Craintifs, Thymie et Anita entrèrent sous la tente et les filles s’en retournèrent à leurs occupations.

— Vous pouvez vous assoir, leur fit signe un Ours Brisé enjoué, ce qui intrigua encore plus les deux jeunes gens.

Ours Brisé, les fixant droit dans les yeux :

— Votre amour est-il toujours aussi pur ?

Les jeunes gens rougirent à cette question.

Remarquant qu’ils hésitaient, il insista :

— Alors cette réponse, elle vient ?

Thymie prit la parole :

— Nous, nous respectons, dit-il mal à l’aise.

— Bon, très bien, voilà une bonne nouvelle.  Je me devais de vérifier, car une demande spéciale m’a été faite.

Les yeux de Thymie et d’Anita s’agrandirent.

— Vous avez été choisis pour être les témoins de mariage de Justina, votre sœur, Anita.  Elle vous veut tous les deux.

L’excitation et la fierté se lisaient dans leurs yeux.

Soudain, des cris les ramenèrent dans le présent.  Se levant brusquement, ils se précipitèrent au dehors.  Des gens couraient en tous sens, hurlant de panique.

— Les Nargals attaquent, les Nargals !!!

La voix tonitruante de Volchenkov se fit entendre.

— Aux armes soldats!  Tous avec moi!

Des hommes en armure envahirent les champs, armés d’hast, de massues, d’épées lourdes et de lances, massacrant tout sur leur passage.  De petits groupes tentèrent de ralentir la horde, mais se firent rapidement déborder.  Lame de Métal réussit à organiser cinq cents hommes autour de lui et créa une poche de résistance importante qui donna assez de temps pour rassembler d’autres troupes.  Tacoma frappa le flanc de l’ennemi avec trois cents hommes et quitta le champ de bataille, entrainant dans sa fuite un millier de Nargals enragés.  Il les dirigea vers les hautes herbes où quatre cents hommes les attendaient.  Une tempête de flèches s’abattit sur les enragés, créant ainsi une brèche géante dans les rangs.

Une armée aguerrie de dix mille hommes, dont la moitié était Nargals, se précipita sur le camp alors en pleins préparatifs pour l’hiver et toute la haine qu’ils accumulaient depuis des mois, ayant encaissé maintes défaites, ils la firent déferler sur les humains.

Volchenkov tenta de centraliser ses forces.

— Tous aux palissades !

Les gens couraient, hurlant de panique.  Nuage gris en profita pour créer davantage de désarroi.

— Les enfants maudits, ce sont eux !  Rendez leurs les enfants !  C’est à cause d’eux que nos gens…

Nuage Gris n’eut pas le temps d’achever sa phrase, il s’effondra, frappé à mort.  Un vieil homme édenté se tenait debout, une épée ensanglantée à la main.

— J’aurais dû le faire depuis le premier jour, sale trouble-fête.

Se retournant vers Thymie et Anita.

— Rejoignez vos troupes, elles vont avoir besoin de vous.

Thymie et Anita se précipitèrent vers les palissades sous le regard bienveillant d’Ours Brisé. Plusieurs hommes se réunirent autour de lui.

— Que veux-tu que nous fassions Ours brisé ?  Moi je suis trop vieux pour courir. Lui dit Chatanouga.

— Trouvons nous un arc et allons aider Lame de Métal, au moins une flèche peut voyager plus vite que nous.

— Tu as raison mon ami, je crois que ce sera insultant pour un guerrier de la trempe d’un Nargal de se faire tuer par des vieillards !

— Voilà qui me réjouit Chatanouga, ce sera notre dernière marche…

Deux cents hommes accompagnèrent Ours Brisé.

Thymie et Anita retrouvèrent les leurs sous les acclamations et le regard de leurs parents rassurés.

Ce qui devait servir de mur contre les vents devint le rempart de la survie.  Volchenkov hurlait ses ordres et ce furent les enfants qui furent les plus disciplinés.

L’ordre de La Rose et l’Épée se trouvait aux premières loges, organisant la résistance au mieux de leurs capacités.  L’habilité des deux archers compliquait légèrement l’avancée des assaillants, et permit de sauver des vies.  Dans une sortie calculée, Volchenkov accompagné de Dermut et de Jules, chargea avec une troupe de quatre cents hommes, ce qui surprit les attaquants

Un furieux corps à corps eut lieu et des flèches sifflèrent tout autour, ce qui donna une chance aux gens pris aux pièges, de se diriger vers les palissades et de s’enfuir vers les hautes herbes. Volchenkov cria l’ordre de retraite et les hommes décochèrent comme un seul homme, laissant une soixantaine des leurs sur la terre rougie de sang.

— Préparez-vous à tirer ! Cria Dolorès.

Les hommes couraient, la mort aux trousses, certains tombèrent frappés au dos et l’archer fautif fut foudroyé dans l’instant qui suivit.  Une troupe ennemie se réorganisa et s’élança, armée d’une énorme hache d’assaut et protégée d’un gros bouclier.  Mille Nargals assoiffés, s’élancèrent vers les palissades. 

 

Les enfants guerriers en formation attendaient aux abords du lac, sous les ordres de Tarmi.

— J’ai repéré quelque chose dans le lac Tarmi.

— Essaie de le garder en réserve Thymie, nous devons rester disciplinés.

Ayant déjà combattu les Nargals, les jeunes étaient bien encadrés par plusieurs des leurs.  Un ordre hurlé par Dolorès, les fit frémir.

— Lancez !

Une pluie de projectiles de toutes sortes s’abattit sur les poursuivants, n’en faisant tomber qu’une trentaine, mais les retardant juste assez pour que Volchenkov et les siens se mettent à l’abri.  Le temps de le dire, les Nargals se ruèrent sur le mur de terre et le transpercèrent de leurs lames surprenant plusieurs défenseurs cachés derrière.  Dans d’horribles hurlements, des hommes tombèrent et les cris guerres se mêlèrent aux râles des agonisants.

 

Voulant profiter de l’occasion, Amir le Nargal coiffé d’un casque avec une corne, lança ses natifs sur les groupes de résistance qui tentaient de s’organiser.  Le feu était partout et la fumée aveuglait presque tout le monde, mais rien n’empêcha Amir de lancer tous ses Nargals vers la palissade de terre.

Condamnés à périr avec aucune possibilité de retour, Amir encouragea ses guerriers à tuer ceux qui étaient digne du sang.

— Tuez ce qui reste de la Rose et de l’Épée !  Tuez leurs enfants !  Tuez les femelles de Rivière Pourpre !  À l’ASSAUT !!!

La horde des Nargals s’élança vers Volchenkov et ses défenseurs qui en avaient déjà plein les bras.

— Abandonnez le mur, sautez sur la plage !  Ordonna-t-il.

Trois milles défenseurs sautèrent du promontoire, pour atteindre la plage.  Près de huit milles autres personnes, femmes et enfants, y avaient trouvé refuge.  Un mur de lances y était érigé et les enfants soldats se trouvaient en retrait.

Les Nargals eurent tôt fait de se créer un passage à travers le mur et une partie des troupes avait contourné le mur et se trouvait déjà sur la plage.  Ils se pressaient vers l’hallali.

 

Swahili regroupa deux milles guerriers séparés de la plage et porta secours à Lame de Métal, dont les troupes se réduisaient comme une peau de chagrin.  Quelques dizaines de vieillards tiraient leurs dernières flèches de derrière les clôtures.  Les ennemis plus nombreux, décidèrent d’en finir et lancèrent leur cri de guerre.  Un corps à corps endiablé commença dans une supériorité absolue pour ceux-ci et les hommes tombèrent, le crâne fracassé, la gorge tranchée, une hache plantée au thorax.  L’arrivée de Swahili encouragea les défenseurs.  Le chef des Serpents se fraya un chemin à coups de machettes, tentant de sauver les vieux chefs.  Sa colère n’avait pas d’égal et il sectionnait tout ce qu’il pouvait, bras, jambes et têtes, sa machette faisait des ravages.  Imprudent, Swahili ne s’aperçut trop tard que ses hommes n’avaient pu le suivre et il fut submergé par le nombre.  Aussitôt, un autre cri de guerre retentit.  Il comprit que plusieurs guerriers accouraient vers sa position.  Tacoma se précipita dans la bataille avec mille deux cents des siens

L’ennemi fut surpris à son tour et Tacoma put rejoindre le chef des Serpents.  Avec l’énergie du désespoir, les hommes valides luttèrent pour leur survie.  Tuer ou être tués n’était même plus une option et tous ceux qui pouvaient se tenir debout et tenir une arme se précipitèrent à la rescousse de leurs amis.

Cornélius hurlait, une fourche à la main, suivit de convoyeurs tels que Vandermit une masse à la main et de Muller une barre de métal en feu.  Tous couraient vers cette folie du massacre, où la seule issue pour survivre était de vaincre.  De petits groupes se greffaient continuellement aux forces en présence grossissant les forces des défenseurs.

 

Les Nargals assoiffés de sang sautèrent pèle mêle sur la plage.  Volchenkov profita de la situation et sonna la charge.

— À l’attaque !

Trois milles hommes, incluant les membres de la Rose et de l’Épée chargèrent les brutes sanguinaires.  Vifs comme l’éclair, plusieurs Nargals se préparaient à l’assaut et jouissaient de la situation inopinée qui s’offrait à eux.

Pendant ce temps sur la plage, un fort contingent de mille Nargals s’élança sur les familles et les petits contingents armés.

— Maintenant Thymie !

Aussitôt, Thymie visualisa un familier et l’eau se mit à remuer, une énorme tisseuse des lacs à tête d’araignée, munie de pinces de crabe, s’attaqua à l’ennemi.  Ses pattes robustes la protégeaient contre la plupart des armes et ses pinces devinrent un cauchemar pour l’ennemi.  Haut de trois mètre, l’animal chargea la troupe de Nargals lui faisant face, surprenant tout le monde, mais la plus grande surprise fut l’apparition d’une deuxième tisseuse des lacs.  Celle-ci avait une tête de crabe pour un corps d’araignée, plus haute d’un mètre, moins robuste, mais plus agile et rapide, elle fit des ravages avec ses mâchoires et déstabilisa les forces ennemies.

— Coupez les pattes de l’araignée et crever les yeux de l’autre !  Ordonna un des officiers.

À partir de ce moment, les Nargals se réorganisèrent et se concentrèrent sur cet ennemi.

— Daphnée à ton tour !

La jeune fille aux cheveux verts fit apparaitre une cinquantaine de plantes carnivores de bonnes dimensions qui s’attaquèrent aux guerriers qui malmenaient les tisseuses, ce qui créa une véritable pagaille.  Quelques racines de dragons nuisirent suffisamment pour empêtrer plusieurs Nargals et, pour couronner le tout, Mia tirait des salves de boules d’énergie qui explosaient dans les rangs de l’ennemi semant la confusion.

— Tania, Mégan et les cousins vous les protégez.  Les autres avec moi, CHARGEZ !

Une troupe de jeunes guerriers et d’ados chargèrent les troupes surentrainées.  En tête et mort de peur, Tarmi était suivi de sa joyeuse bande.

De l’autre côté, face au promontoire, la bataille faisait rage.  La surprise passée la force des Nargals devint évidente et l’armée de Volchenkov se faisait décimer.

— Repli vers la plage !

L’armée, comme, un seul homme, décrocha et se replia vers les réserves, quelques flèches ralentirent les Nargals.  Amir ordonna de rester sur place et regroupa ses hommes.  Trois milles Nargals étaient toujours debout et achevaient les blessés.

Volkie réalisa que près de la moitié de ses hommes y étaient restés et que la plupart de ceux qui étaient derrière lui n’étaient pas des combattants.

De l’autre côté, les jeunes aidés de leurs alliés maltraitaient les Nargals mieux qu’il ne l’ait espéré et les parents inquiets se devaient de se contrôler et de se garder loin de leur progéniture.

 

Amir hurla.

— Ils sont là !  Les restes du continent de Polon.  Mort à la Rose, mort à l’Épée, tous sur eux !

Les guerrier Nargals prirent leur apparence à tête de lézard et rugirent de haine face à l’humain. Ils s’élancèrent tous dans la même direction.

— Je crois que notre heure va bientôt sonner mon époux, déclara Dolorès.

— Alors, nous aurons connu de belles aventures, ma chérie, lui répondit Jules.

— Ce fut un honneur de vous avoir eu comme ami et frère d’arme, rajouta Dermut.

— Je suis sûr que nous ferons honneur à notre ordre, renchérit Évelyne.

— Comme tu dis ma sœur, nous leurs en ferons baver.

Dolorès fit tournoyer ses deux épées et, fixant l’ennemi qui venait, elle s’adressa au lieutenant.

— Je tiens à vous dire merci pour tout Volkie, nos enfants sont en sécurité.

— C’est un honneur Mesdames.

— Alors, on charge ?  Lui lança Évelyne.

Pour toute réponse Volkie fit un large sourire.

— En avant !

Le contact fut percutant et Amir fut le premier à faire une victime.

 

Dans les champs, la bataille tournait graduellement à l’avantage des gens du camp et l’ennemi découragé devant tant d’opiniâtreté, commençait à déserter, ce qui libéra des forces.

Tacoma cria.

— La plage.

Près de deux milles hommes encore valides se précipitèrent vers les rives du lac.

 

Les Nargals vinrent à bout des deux tisseuses et Thymie s’écroula complètement épuisé, suivit des deux pucerons.  Quelques quatre cents Nargals étaient encore debout et Tarmi donna l’ordre de se replier.  La légion de feu attendait son tour pour entrer en scène.

 

Volchenkov et ses compagnons d’armes en avaient plein les bras et se débattaient comme des diablotins face à la meute qui n’avait qu’une idée en tête, les exterminer peu importe le prix à payer.  Des corps roulaient, meurtris, tailladés, transpercés et pour finir le tout, des Nargals s’élevèrent dans le ciel à l’aide de boucliers et retombèrent de plein fouet sur les humains, décimant leurs rangs.

Le combat devenait de plus en plus inégal et les hommes reculaient de plus en plus.  Le quatuor avait beau se surpasser en prouesses, l’épuisement les gagnait et Dolorès perdit une épée, Dermut fut blessé, Jule et Évelyne n’y voyaient plus rien.  Volchenkov intervint avec l’aide des deux sergents.

— Mourrons en hommes !  Hurla le lieutenant.

Les dernières forces s’engagèrent dans cette lutte inégale.  Du côté de Tarmi, la situation n’était pas plus rose et l’impuissance des enfants magiques marquait un pas vers le massacre.  Des jeunes se lancèrent à l’eau espérant s’en sortir et furent pris pour cible, coulant instantanément.  La plupart suivirent Tarmi et se regroupèrent avec les dernières forces, prêts à affronter leur destin.

Les Nargals se marrèrent devant la situation.

— Allons coucher les enfants.

Les bouchers s’élancèrent pour exterminer la marmaille, les filles de la légion de feu restèrent accroupies et attendirent un ordre.  La troupe ennemie arriva de plus en plus rapidement, hurlant à tout rompre, mais au dernier instant.

— Maintenant !  Hurla Tarmi.

Des bouts de bois épointés grossièrement et dissimulés s’élevèrent brusquement et stoppèrent la course des fous furieux. Quelques-uns périrent et plusieurs subirent des blessures graves, d’autres plus légères.

Tarmi chargea au centre, entouré des meilleurs guerriers incluant Aurélie et Anita.  Sophie Dallant et Petite Plume partirent avec leurs groupes et s’attaquèrent à plusieurs à un Nargal, disciplinés comme une meute de loups.

Tarmi multipliait ses coups pensant à Solène et sa petite fille Prudence, il combattait avec l’énergie du désespoir aux côtés de tous ceux qu’il aimait.

Pendant ce temps, Cassius troublé dans toutes les fibres de son corps se battait contre ses souvenirs et sa vraie nature.  Le garçon tomba à genoux et se prit la tête à deux mains.

Un cri d’encouragement vint de Swahili qui arrivait avec des renforts.  Des Nargals traversèrent les lignes et se précipitèrent vers Tania, Mégan et les cousins.  Ils tentèrent de couper les enfants en deux mais rien ne se produisit.  L’énergie provoquée par la protection magique déclencha en eux une colère fulgurante et avec la force d’un adulte, les quatre jeunes massacrèrent les Nargals qui se trouvaient devant eux.

Un autre cri puissant se fit entendre, un cri de loup celui du loupgeron, celui de Cassius, le loupgeron perdu.

Plusieurs se ruèrent vers les enfants magiques et le loupgeron.  Un combat d’une férocité innommable commença.

D’autres cris de loups retentirent au moment où Alex, Valrand et les Leapons arrivaient au pied du promontoire.  Alex lança un éclair sur les Nargals et ils sursautèrent.

Amir se rapprocha des membres de la Rose et abattit sa hache en pleine poitrine de Jules qui s’effondra instantanément.  Dolorès hurla et tomba à son tour, Dermut, dans un effort suprême, se débarrassa de ses attaquants et tenta de protéger sa femme mal en point, il fut transpercé par la pointe d’une hallebarde et s’écroula.  Il releva la tête et vit les yeux de sa bien-aimée s’éteindre.  À son tour, il rendit l’âme.

Ayant ressenti la mort de ses parents, Alex se déchaîna et foudroya d’éclairs tous les Nargals qu’il voyait.  Le mage rouge refit surface et à nouveau l’enfer se déchaîna.

Entretemps, Volchenkov retrouva sa lance et désarma deux Nargals qu’il embrocha rapidement avant d’affronter Amir qui rigolait de la situation.  Le combat commença et Volkie, complètement épuisé, ses forces s’amenuisant, esquivait davantage les coups qu’il n’en portait tandis qu’Amir ne puisait même pas dans ses réserves.  Arborant un sourire sadique, le Nargal l’amena exactement là où il le voulait et, pris comme un débutant, Volchenkov vit venir la fin.  Amir le frappa à coup de butoir.  Le soldat résistait de moins en moins et son bouclier tomba.  Tout heureux, Amir s’élança pour porter le coup fatal lorsqu’une main retint son bras.  Stupéfait, le Nargal sentit brûler son bras.  Une force peu commune le retenait et les yeux du mage rouge le frappèrent de plein fouet.

— Ton peuple doit être heureux d’avoir éliminé les derniers membres de la Rose et de l’Épée.

La voix qui sortait de la bouche d’Alex était suave et profonde, ne laissant aucun doute sur ce qu’il disait.  Alex prit un petit couteau, se coupa l’intérieur de la main et lui présenta.

— Prends mon sang Nargal et partage-le avec ta race, pour qu’elle puisse me reconnaitre.

Le regard défiant, Amir prit la main remplie de sang du mage rouge et aussitôt les autres Nargals, même ceux à l’autre bout du monde, festoyèrent et encodèrent la puissance qui leur parut redoutable.

 

— Maintenant que ta race de moisis m’a bien encodé, je vais lui faire voir ce qui l’attend dans un avenir rapproché.

— Et que vas-tu faire mage rouge ?  Demanda-il, soudain prit d’inquiétude.

— Tous vont sentir ta peur et ta souffrance, Nargal

— Aucun mage ne le peut, petit homme rouge, fit-il affichant un sourire édenté.

Nullement dérangé par tout ce qui l’entourait, le mage fit apparaître un petit halo rouge qui se mit à tournoyer autour de lui et de sa proie.  Devenant de plus en plus opaque, le halo devint une enveloppe qui dissimula complètement les deux antagonistes.  Cependant, à l’intérieur de l’enveloppe Amir se vit dans une salle et, ne trouvant plus aucun repère, il fut saisi, découvrant, pour la première fois ce qu’était la peur.

— Maintenant tu vas souffrir.

Au même moment, le corps du Nargal commença à brûler.  Amir vit les flammes sortir de son corps et hurla de douleur.  Sa souffrance augmenta sans cesse mais son corps ne se consumait pas totalement.  Il eut beau hurler, personne ne l’entendit et tous les Nargals vivant sur cette planète le ressentirent.  Amir se consuma lentement dans d’horribles souffrances, jusqu’à ce qu’il disparaisse.

 

— Voilà race de moisis, le sort qui vous attend.

Le halo disparut et sur l’entrefaite, ses parents et les McFerson lui apparurent sous forme éthérique.

 

— Reprends le contrôle de ton âme mon fils, beaucoup de gens comptent sur toi.  Tes sœurs et frères ont besoin de toi.  Nous devions mourir, notre route était terminée, nous serons toujours là.  Maintenant, va aider Volkie.

Souriant, les visages disparurent ainsi que la fureur du mage rouge et il redevint Alex.

Les combats terminés, Alex prit conscience des regards qui le dévisageaient.  Il vit tous les cadavres qui jonchaient le sol et y découvrit ses parents.  Valrand et Houpa s’attendaient à une explosion incontrôlée mais il n’en fut rien.  Alex s’agenouilla auprès d’eux et les embrassa. « Merci » fut la seule parole qu’il prononça.

— Ça va Alex ?  Lui demanda Valrand.

— J’ai vu mes parents et je suis en paix.  Je dois m’occuper de ma famille et enterrer nos morts.  Pensif il ajouta :

— Le moment venu, ma vengeance sera terrible, Capitaine.

L’homme sut que cela n’était pas une menace en l’air.  Pour le moment, l’heure était plutôt au décompte, car les pertes se comptaient par milliers…

 

Alex fit quelques pas et s’arrêta net, tournant la tête, il vit Volkie qui tentait de se relever.  Alex se précipita à son secours et lui souleva un bras.

— Merci Alex.  Lui dit un Volchenkov à moitié groggy.

— Dis tu ne vas pas t’affaler sur moi Volkie ?  Parce que moi, je vais avoir de la difficulté à te relever toi et ton excédent de poids, plaisanta-t-il, faisant rire son entourage.

— Espèce de sale morveux, j’ai encore assez de forces pour te mettre mon pied au cul, claironna Volkie, lui serrant amicalement la tête de son bras.

Valrand, Houpa et Ayanti se demandaient comment ils devaient interpréter le changement d’attitude du jeune homme et restèrent un peu pantois.

— Dites Capitaine, je peux emmener Volkie avec moi voir les plus jeunes.

— Excellente idée Alex, rompez Lieutenant.

— À vos ordres Capitaine.  L’officier salua quelque peu de travers et suivit Alex de peine et de misère.

Les trois hommes les regardèrent s’éloigner.

— Tu as été sage de le laisser aller, Ombre Blanche.  Ton officier est très courageux et a besoin d’un répit.

— Je sais Ayanti, je préfère le voir avec Alex.  Comme ça, ils seront occupés tous les deux et je suis prêt à parier que les plus jeunes sont déjà au courant de la mort de leurs parents.

— Nous avons perdu des frères aujourd’hui déclara tristement Houpa.

— Ils étaient des gens extraordinaires.  Valrand regarda le quatuor qu’il avait appris à connaitre et à respecter.  Il essuya la larme qui venait de faire son chemin sur sa joue, au travers de la poussière de la bataille.  Regardant tout autour de lui, il ne vit que des morts et n’entendit que des lamentations.

— Je ne comprends pas comment ils ont réussi à nous déjouer, comment nous n’avons pu les détecter, dit-il pour lui-même.

Ses deux compères étaient tout aussi pensifs et Valrand réagit promptement.

— Tentons de sauver des vies, on trouvera des réponses plus tard.

 

Chapitre 3

Trahison

Douze milles morts, sans compter les mourants ou les pertes chez l’armée Nargal.  Douze milles personnes s’étaient fait massacrer par des fanatiques haineux, hommes, femmes et enfants sans distinction furent passés au fil de l’épée.  Une armée d’extermination, sans possibilité de retour, s’était fait décimer jusqu’au dernier, en espérant anéantir le convoi et les rescapés.  Ils avaient échoué.  La moitié de celle-ci gisait un peu partout sur la plage, dans les champs et dans les chariots en partie brûlés.  Parmi les pertes, hormis le quatuor de la Rose et de l’Épée, on déplorait la perte des vieux chefs comme Ours Brisé, Chatanouga et Dent D’ours et chez les plus jeunes, Sophie Dallant y était restée.

Petite Plume était inconsolable et les jeunes compagnies pleuraient tous, leurs amis disparus.

 

Alex se retrouva au centre de ses amis, prodiguant les premiers soins à ceux qui en avaient le plus besoin.  Pour la première fois, le jeune homme ne riait pas, il croisa pour la plupart du temps des regards tristes.  Aurélie, entourée de ses frères avait éclaté en sanglot à l’annonce de la mort de ses parents et des siens.  Les garçons, bien qu’ils soient émus, tentaient de consoler leur grande sœur et surveillaient attentivement leurs plus jeunes sœurs.

— Et comment allons-nous annoncer la mort de nos parents à nos autres sœurs ?  Demanda Léon à haute voix.

— Tu n’auras pas à leur annoncer Léon, elles le savent déjà, répondit Alex.

— Comment peuvent-elles le savoir ?  Questionna promptement Adam.

— Au moment où je ne m’y attendais pas, vos parents et les miens sont apparus dans une sorte de halo d’énergie et l’ont fait savoir à tous nos amis endormis répondit Alex, ne cherchant pas à élaborer.

Adam l’observa et le trouva différent, il voulut en savoir plus.

— Et pendant leur apparition, ils ne t’ont rien dit Alex ?

— Si…  Répondit-il restant silencieux un moment.

— Que leur heure était arrivée et qu’ils le savaient depuis leur départ de Port Plaisant.  Alex s’exprimait d’une voix monocorde.

— C’est tout ?  Adam resta pantois.

— Oui. Le regard d’Alex restait vague.

— Mais…

Cette fois, Adam n’était pas seul, Léon et Aurélie attendaient la suite de la phrase, suspendus à ses lèvres.

— L’énergie qu’ils m’ont prodiguée a calmé ma colère et ma peine et lorsqu’eux se réveilleront, dit-il en fixant les dormeurs, ils ne connaîtront aucunement la peine.

— Ils auraient dû le faire avec nous aussi rétorqua Adam qui pleurait à chaudes larmes.

Mia, Daphnée, Tania, Mégan, Thymie et les cousins sourirent, à la surprise de tous ceux qui les regardaient s’éveiller.

 

Volchenkov, encore épuisé, contemplait l’horreur qui s’étalait sous ses yeux, les enfants morts, ceux-là même qu’il entraînait.  Ce spectacle lui donna des haut-le-cœur.

— Bande de salauds, massacreurs d’enfants, éructa-t-il pour lui-même.

Petite Plume se pointa devant lui.

— J’ai perdu ma grande amie, mais nous avons tué des Nargals grâce à ton entraînement.  Nous avons besoin de toi Volkie, j’ai besoin de toi.

Volchenkov pour toute réponse, la serra contre lui et pleura à son tour.

Quelques instants plus tard, le gros homme erra en direction des familles rescapées et vit Ortance et ses enfants indemnes, ce qui le ravit.  Frima Kospos arriva en courant à son tour, prise de panique.

— Lieutenant, lieutenant, enfin je vous trouve !

— Que se passe-t-il Madame Kospos ?

— C’est Tarmi, c’est Tarmi.

— Quoi, qu’est-ce qu’il a Tarmi. ?

— Son enfant a disparu.

— Quoi !  Comment ?  Réagissant comme si sa fatigue s’était envolée.

— Où est-il Frima ?

— Aux côtés de sa femme qui est blessée, répondit-elle, la peur se reflétant sur son visage.

— Blessée, quand a-t-elle été blessée ?

Volkie était stupéfait.  Plusieurs familles, dont celle de Solène, avaient réussi à s’éloigner de la bataille par la voie des eaux, en naviguant sur des radeaux en direction ouest et s’étaient cachées dans les hautes herbes.  Volchenkov suivit Frima Kospos nerveusement en s’imaginant le pire.

Tarmi pleurait comme un enfant aux côtés de sa femme.  Justina, sa sœur, était en pleine crise de panique et les jumeaux Fibus et Firmin, apeurés par la situation, ressemblaient à de petits chiens fous pendant que Vandermit criait, à qui voulait l’entendre, de se calmer.  Il était complètement dépassé par les évènements.

Le gros lieutenant arriva sur place avec Firma, à ce moment précis.

— Tarmi !  Lui cria Volkie sur un ton un peu sec, puis un peu plus doucement il lui demanda : « Tarmi… Elle est vivante n’est-pas ? »

— Oui, mais elle est mal en point, répondit-il la voix presque éteinte.

— Non d’un enfer !  Va cherchez Celui qui voit tout, bon sang de bon sang.

Tarmi réalisa combien il était paralysé par la situation et, se ressaisissant, il bondit sur ses deux jambes et partit en courant à la recherche de Celui qui voit tout.

— Maintenant, est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qui s’est passé, demanda Volkie tout en examinant la tête de Solène, là où il y avait une trace de sang.

Dans une cacophonie totale, des explications fusèrent de toute part sans que rien de cohérent ne semble ressortir.

Peu de temps après, Tarmi arriva avec Ayanti.  Aussitôt, le guérisseur se pencha sur Solène et prit la pierre de guérison, Volchenkov intervint rapidement.

— Attendez Ayanti avant de vous servir de la pierre de guérison, il y a quelque chose de bizarre.

Intrigué, Ayanti fut surpris de la réaction du lieutenant, étant donné qu’il avait une peur bleue de la magie et que sa réaction démontrait tout le contraire.

— Que voulez-vous dire lieutenant, demanda Ayanti tout en affichant son petit sourire malicieux.

— Je ne connais rien à votre foutue énergie, mais elle dégage une drôle d’odeur et ce n’est pas l’odeur du Bolo D’or, lui dit sèchement l’officier et tous les autres en sont affectés également.

Ayanti se pencha sur la victime et capta enfin l’odeur, ce qui lui rappela la situation des conducteurs lors de leur arrivée au camp de la vallée des Monts Dorés.

— Que quelqu’un aille me chercher de l’eau, je crois que j’ai trouvé.

Tarmi se précipita tant bien que mal vers le lac, avec une outre à remplir, sur l’entrefaite le sergent Argenti arriva sur les lieux afin de s’enquérir des nouvelles.  Il fut rapidement mis au courant de la situation.  Le sergent se pencha et huma l’odeur dégagée par Solène.

— C’est de la poudre rouge, celle qui a rendu fous nos conducteurs.  Mais d’où elle sort cette foutue poudre de merde ?  Je vais aller aider Tarmi, d’après moi, il a besoin de mon aide.

Effectivement, Tarmi ne savait plus où se diriger et tournait en rond.  Rejoint par le sergent, celui-ci lui versa de l’eau sur la tête.  Dans les secondes qui suivirent, un liquide rosé s’écoula par terre redonnant sa clarté d’esprit au jeune homme.

— Ça va mieux Tarmi ?  Lui demanda Argenti.

Hésitant, Tarmi avait l’impression de revenir d’un rêve.

— Oui… que s’est-il passé ?

— Plus tard les explications Tarmi, d’autres ont besoin de moi.

Puis, se dirigeant rapidement vers Ayanti.

— Vite, faites-lui couler de l’eau sur la tête Ayanti.

Aussitôt dit, aussitôt fait, la poudre rouge s’écoula sur le sol et Solène eut une légère réaction.  À partir de ce moment, Celui qui voit tout se servit de la pierre de guérison.  Pendant ce temps, Argenti aspergeait les têtes de tous ceux qui étaient autour d’eux et qu’il jugeait d’humeur changeante.

Revenu à lui-même, Tarmi cherchait à comprendre ce qui était arrivé et se rappela Solène agressée.

— Solène !

— Elle va bien jeune homme, elle n’a rien de brisé.  Une sale blessure à la tête que je vais réparer en un rien de temps avec la pierre de guérison.  Ayanti s’adressait à lui sans quitter Solène des yeux.

— Pourquoi est-ce toujours elle qui reçoit les mauvais coups ?  S’agenouillant devant Solène et s’apitoyant sur son sort.

— Pour éviter que tu les reçoives, Tarmi., lui répondit simplement Ayanti.

— Quand tu auras fini de geindre, tu pourras peut-être m’expliquer ce que tu sais Tarmi, lui dit sèchement l’Ombre Blanche.

Le jeune homme leva la tête pour voir Valrand planté devant lui.  Se relevant, il tenta de rassembler ses idées et des images lui revinrent en mémoire.  Des hommes se présentant devant lui, accompagnés de natifs d’une nation qu’il ne reconnaissait pas, lui avait demandé une chose, une chose impensable, son enfant.  Avant qu’il ne puisse réagir, il s’était senti dépassé par les évènements et avait vu Solène se débattre, recevoir un coup à la tête et puis se mettre à pleurer.

— Des conducteurs avec des natifs ont pris mon enfant.  Les natifs avaient trois points tatoués en dessous des yeux.

— Quoi !  S’exclama Valrand, tu en es certain ?

Un peut hésitant et craintif :

— Oui… ils avaient des tatouages, en dessous des yeux.

— Des Pécos !  Déclara Valrand.

— Comment ont-ils fait pour venir sur la plage, sans qu’on ne s’en aperçoive ?

Tarmi essayait de se concentrer au maximum pour se rappeler les événements.

— Ce n’est pas ici Capitaine, c’est dans les champs, murmura-t-il les yeux hagards.

— Sergent Argenti, allez me chercher Alex, heu…hésitant, demandez-lui s’il peut nous retrouver. Quant à vous lieutenant, occupez-vous des jeunes, Ils ont besoin d’être rassurés.

Volchenkov fit signe de la tête, il s’efforça de sourire et s’éloigna de la scène, tentant de prendre des nouvelles de toutes les familles, malgré son épuisement.

— Elle est hors de danger Celui qui voit tout ?

— Oui Capitaine, un peu de repos et elle sera à nouveau sur pieds.

— Mademoiselle Justina, vous allez pouvoir vous occuper de votre sœur ?

Surprise par la question, Justina répondit d’un air hébété, oui… oui je crois.

Vandermit la soutint.

— J’y veillerai moi-même Capitaine.

— Bien, Tarmi tu vas nous conduire à l’endroit où cela s’est passé.  Chaque minute compte.

Alex arriva à l’instant.

— Je suis désolé Alex de te déranger dans ton deuil, mais nous avons une priorité.

Alex constata soudainement la désolation dans le regard de son ami et vit Solène blessée.

— Où est Prudence ?  Demanda-t-il en panique.

— C’est ça la priorité, Alex…

Posant une main sur l’épaule de son ami en signe de compréhension

— Je vous suis.

— Sergent Argenti.

— Oui Monsieur.

— Prenez soin du lieutenant, mais restez discret voulez-vous?

Pour toute réponse, le sergent lui sourit et lui fit un signe de tête avant de s’éloigner.

La petite troupe, composée d’une quinzaine d’hommes, s’éloigna du décor lugubre et Tarmi, tant bien que mal, les guida vers l’endroit où avait eu lieu l’enlèvement.  Dès leurs arrivés, les Leapons qui accompagnaient Valrand se mirent en chasse, à la recherche des pistes laissées vacantes.

Tarmi s’affala par terre, complètement épuisé.  Aussitôt, Alex se précipita vers son ami.

— Tarmi !  Je suis là mon ami.

Valrand s’agenouilla à son tour et souleva le menton du jeune homme en pleurs.

— Je vais te demander de faire un autre effort Tarmi, le peux-tu ?

Tarmi acquiesça mollement de la tête.

— Tu dois faire l’effort de te souvenir.  Ferme les yeux, respire lentement et souviens-toi.

Valrand posa une main sur sa tête et fit signe à Alex de poser la sienne.  Aussitôt, les deux hommes s’enfoncèrent dans une espèce de brouillard où les images étaient floues.  Alex, surpris, fut néanmoins rassuré de sentir la présence de Valrand et, peu à peu, les images devinrent plus claires.

Tarmi se trouvait sur un radeau, ramant du mieux qu’il pouvait.  Il était accompagné d’autres hommes aussi anxieux et excités que lui.  Se rapprochant du lieu caché, il hurla le nom de Solène.

— La bataille est finie, nous avons gagné.  Sortez !  La bataille est terminée !

Les yeux de Tarmi cherchaient une présence dans les hautes herbes.  Inquiet de ne rien voir bouger, il se mit à ramer de façon désordonnée, suivit de ses compagnons.  Soudain, il vit une ombre sinueuse se pencher dans sa direction et une forme humaine apparut enfin.  C’était Solène avec son enfant.  Son cœur bondit et il hurla sa joie.

— Ils sont là !

— De nouvelles formes apparurent et les hourras s’élevèrent.  Dans un désordre complet, des hommes sautèrent à l’eau, trop heureux de retrouver les leurs.  Quelques-uns tirèrent les cordes qui retenaient les radeaux pour qu’ils ne dérivent pas.

Tarmi était de ceux qui avaient sauté à l’eau et il se présenta devant sa femme tout trempé,  pleurant de joie, comblé de la serrer dans ses bras.  Après quelques moments d’effusions de part et d’autre, les amoureux prirent conscience de la présence de la petite Prudence.

— Et comment vas notre petite fille ?

Découvrant son visage, la petite fille dormait à poings fermés, nullement dérangée par quoi que ce soit.

— On peut dire qu’il n’y a pas grand-chose qui l’énerve, celle-là, s’esclaffa Tarmi.

Les yeux dans les yeux, le jeune couple ne voyait plus rien autour et la terre avait cessé de tourner. Une voix tonitruante les ramena à la réalité.

— Alors Tarmi, on les embarque, lui demanda un des conducteurs du convoi.

— Heu…oui…oui, répondit-il, sortant de son mutisme.

Les gens commencèrent à embarquer avec une plus grande discipline et un homme interpella Tarmi.  Il reconnut l’homme de corpulence moyenne, c’était Beaucanton, le conducteur qui avait donné l’alerte en rapport avec le monstre du lac.

— Qui y-a-t-il Beaucanton ?

Discrètement l’homme s’approcha de lui.

— Nous avons un problème dit-il, mal à l’aise.

— Quelle genre de problème ?  Demanda Tarmi intrigué, ce qui inquiéta Solène.

— Heu…je crois que c’est, heu…

Tarmi montra des signes d’impatience et l’homme balança l’information.

— La poudre rouge.

— La Quoi ! Réalisant qu’il venait de hausser le ton, Tarmi se reprit pour ne pas inquiéter davantage les gens autour de lui.

— La poudre rouge, reprit-il plus silencieusement.  Mais comment ?  Vous en êtes sûr ?

— Bien, on n’a pas d’eau, mais il y a cette odeur particulière et il devint incohérent.  L’homme était nerveux et semblait très inquiet.

— Trouvez-vous une outre et montrez-moi.  Solène, tu montes sur le radeau, je vais te rejoindre plus tard.

— Il n’en est pas question Tarmi Sans Terre, je refuse d’être séparée de toi plus longtemps.  Je te suis un point c’est tout.

Elle le fixa de ses gros yeux, l’air décidé, ce qui fit rigoler le jeune homme.

— D’accord, je ne crois pas que ce soit si dangereux.

Beaucanton revint rapidement.

— Suivez-moi !

S’enfonçant dans les hautes herbes, ils furent hors de vue rapidement et marchèrent plusieurs minutes sans ralentir.  Se retrouvant dans quelque espace restreint, sans herbe, Tarmi vit un homme gisant par terre et retenu par trois autres.

— Laissez passer !  Ordonna Beaucanton.

— Nous ne pouvons pas le lâcher, il est complètement dément, lui lança un homme.

Tarmi s’approcha pour mieux voir.

— Pourquoi ce bâton dans sa bouche ?

— C’est la crise du diable, un de mes cousins a déjà été atteint de ce mal et il n’y a pas survécu.

— Beaucanton, donnez-moi l’eau.

Tarmi prit l’outre que l’homme lui présentait et se pencha sur le dément.  À ce moment, les hommes le relâchèrent et le dément empoigna Tarmi, lui plaçant une lame sous la gorge.  Surpris, Tarmi ne réagit pas, suivant les mouvements de l’homme sous l’emprise de la poudre rouge.  Se relevant graduellement, Tarmi surveillait les moindres gestes de l’homme et ressentait la peur de sa femme.

— Calmons nous mon ami, laissez-moi vous asperger d’eau, cela vous fera du bien.

Le dément se mit à rire aux éclats, entraînant les autres à en faire autant.

Un mauvais pressentiment traversa l’esprit de Tarmi et il prit conscience du danger trop tard.  Un homme pointa une dague sous la gorge de Solène, coupant court à la prochaine réaction de Tarmi.

— Qu’est-ce que cela signifie ?

L’homme dément le fixa d’un air machiavélique et siffla.  D’autres hommes apparurent, arborant tes tatouages sous les yeux, des Pécos.

— Nous voulons l’enfant bleu.

— Quoi !

Des Pécos l’empoignèrent et l’immobilisèrent.  Le traître se retourna vers Solène qui retenait son enfant.

D’une voix amère il s’adressa à la mère.

— J’aimerais vous éviter plus de souffrances à vous et à l’enfant.  Donnez-moi l’enfant.

— Non…  Jamais !  Répondit-elle

— Alors, je vais devoir utiliser la force.

Tarmi se débattait et ne vit pas qu’une personne lui versait de la poudre sur la tête.  Une drôle de sensation commença à lui embrouiller l’esprit, il vit une jeune femme se débattre et se faire assommer.  Les images s’embrouillèrent et il perdit tout sens de la réalité.

 

Valrand et Alex revinrent à eux et Tarmi pleurait tout son saoul.

Alex fut le premier à réagir, voyant le capitaine songeur.

— Qui sont les Pécos ?

— Une nation que je croyais disparue, il faut croire que le mauvais grain ne disparaît jamais.  En revanche, nous avons trouvé la réponse à notre énigme, Alex.

Voyant le jeune homme perplexe, il poursuivit :

— Ils sont la réponse à l’aspect invisible des troupes Nargals.

— Vous croyez vraiment qu’ils ont le pouvoir de dissimuler autant d’hommes, fit Alex surpris.

— Je le crois Alex et ils devaient être très nombreux.

— Qu’attend…

Avant qu’Alex puisse finir sa phrase, les Leapons revinrent.

— Ils se sont séparés en trois groupes Ombre Blanche, ils se suivent sur une seule ligne.

— Fouteurs de merde « 

Valrand semblait contrarié et frustré par ces informations.

— Ça veut dire quoi Capitaine ?

— Que l’on ne pourra pas savoir dans quel groupe se trouve l’enfant, ils brouillent les pistes.

— On pourrait réunir des hommes.

— Oui… mais pas ceux que tu crois mon jeune ami.

— Je ne comprends pas.  Le regard inquiet, Alex s’impatientait de ne recevoir que des demi-réponses.

Valrand prit les devants.

— Écoute-moi bien Alex, moi et tous les Leapons ne pourrons pas te suivre.  Les Pécos sont une nation très particulière qui détecte toute personne possédant une forte magie.  S’ils nous savent à leur poursuite, ils auront tôt fait de disparaître à jamais.  Je te le dis, nous serons une nuisance pour toi.

— Alors pourquoi moi ?  Je suis rempli de magie, moi aussi.

— Les Nargals aussi et ils les protégeaient, comme ils peuvent protéger le mage rouge. 

Valrand ricana.

— Quel idiot je fais, bien entendu dit-il se passant la main sur la tête.

— La fatigue et l’émotion sont des armes mortelles dans ton état.  Je crois qu’il est temps que tu fasses connaissance avec un certain Tacoma.  J’ai entendu beaucoup de bien à son sujet.

— Moi aussi, ma famille et mes amis m’en ont parlé.

Puis voyant son ami perdu dans ses pensées, Alex releva les yeux vers Valrand.

— N’y pense même pas mon ami, Tarmi est hors course.  Il serait dans sa plus grande forme, que je dirais non aussi.  Son lien avec son enfant pourrait être repérable, il devra rester au camp.

— Alors, je dois me dépêcher de former mon groupe et de partir fit Alex, tentant de se secouer.

— Tut tut…tu vas prendre une journée de repos d’abord.

Les yeux ronds d’Alex en disaient long sur sa réaction.

— Les Pécos sont très rusés, ils savent qu’ils seront suivis.  Nous devons les laisser croire qu’ils nous ont semés.  Pour l’instant, nous allons admirer les pistes que nos amis ont bien voulu nous laisser.  Allez, suis-moi.

Valrand fit signe à deux hommes de rester avec Tarmi et suivit ceux qui avaient trouvé les pistes. Plusieurs mètres plus loin, trois lignes tracées de plusieurs pas se séparaient, un amateur aurait pu facilement les repérer.  Pendant un moment Alex se demanda pourquoi les Leapons avaient été si longs pour parler de leur découverte.  Il vit Valrand en grande observation, analyser les pistes une à une et fit un effort de concentration.  Malheureusement, le cerveau encore embrouillé, Alex constata que partir à la poursuite des individus qui avaient enlevé Prudence dans l’état actuel où il se trouvait, le conduirait forcément dans un piège.

Valrand lui fit signe, ce qui le sortit de ses pensées.

— Que remarques-tu sur cette piste Alex ?

— J’avoue que je suis embrouillé Capitaine, dit-il ressentant la fatigue des derniers jours.

— Je sais Alex, mais fais un effort.  Regarde de plus près ces traces, que vois-tu ?

Le jeune homme se força à rester concentré et observa du mieux qu’il pouvait ce qu’il voyait.  Soudain, la réponse lui sauta au visage.  Un talon légèrement plus enfoncé du côté droit indiquait quelque chose de précieux.

— Tu as trouvé Alex, les Pécos ont mêlé leurs pas avec ceux des hommes du convoi et les ont répartis en trois groupes.  Marchant sur une ligne, ils dissimulent celui qui porte une surcharge, malheureusement pour eux et heureusement pour nous, ces disciples de Polon ne savent pas rester dans une ligne.

— C’est ce talon qui vous dit que ce sont des disciples de Polon ?

De son sourire énigmatique, Valrand lui confirma la réponse.

— Il n’y a qu’un homme dans tout le convoi qui ait une empreinte de ce genre, un talon plus élevé à cause de sa courte patte du côté droit.

— Beaucanton ! S’exclama Alex, se remémorant ses traces de pas dans le sable lors de la disparition de Jorgensen.

— Exact !  Et du temps du révérend Cooper et du fou furieux de Pisalé, Beaucanton campait sur la Rive Sud.  Ce qui m’inquiète le plus maintenant, c’est le traître qui se trouve à l’intérieur du convoi, celui qu’on ne pourrait pas soupçonner et qui nous manipule depuis le début.  Je suis persuadé qu’il est toujours à l’intérieur du convoi, soupira-t-il.

Puis, se relevant.

— Allons, retournons au camp, nous devons ramener Tarmi à sa femme.

Alex jeta un dernier regard sur la piste et réalisa que l’homme ne pourrait pas marcher aussi vite que les natifs et que, sans nul doute, ils devraient se reposer plus souvent.

— J’ai une question Capitaine, qu’est-ce que cela peut rapporter aux Pécos ?

Valrand se retourna lentement.

— C’est ce que nous allons tenter de découvrir.

La petite troupe se remit en marche.

 

De retour au campement, les hommes furent surpris du travail de nettoyage réalisé et Alex retrouva les membres de sa famille ainsi que ses amis sous bonne garde.  Hormis Alvin et Cassius, Petite Plume y était ainsi qu’un jeune guerrier des Hautes Rivières.

Pour la première fois, le regard des deux hommes se croisa et comme s’ils s’étaient toujours connus, leur réaction fut instantanée.

— Tu es Tacoma, je présume.

— Et toi Celui qui lit dans les gens.

Les sourires fusèrent.

— Mes hommes seront prêts à entreprendre le voyage dès demain, Celui qui lit dans les gens.

— Tu es déjà au courant?

— Ombre Blanche !  Répondit Tacoma avec un sourire complice.

— Et eux, ils vont bien ?  Demanda-t-il en Indiquant tout ce beau monde étendu.

Alex regarda ses sœurs et son frère dormir paisiblement, Anita à son chevet.  Puis les McFerson anéantis par la mort de leurs parents et des leurs.

— Je crois qu’ils sont en phase de récupération tout comme moi, Tacoma.

Des hommes arrivèrent avec un grabat, escorté de Leapons, Solène couchée dans son travers et gémissant.

— Déposez là ici.  Ordonna Tarmi.

— Comment va-t-elle mon ami ?  Demanda Alex.

— Elle est hors de danger physiquement mais, hésitant un peu, c’est son mental qui m’inquiète. Je dois retrouver Prudence au plus tôt.

Alex sursauta à cette dernière phrase.  Déposant sa main sur l’épaule de son ami et le regardant droit dans les yeux, il y vit le tourment qui le déchirait.

— Tu ne peux pas venir mon ami, ils pourraient ressentir ton énergie.  Solène va avoir besoin de toi, tu ne peux pas t’éloigner d’elle dans le moment, elle se perdrait assurément.  De façon plus égoïste, j’ai besoin de toi comme capitaine pour surveiller ce groupe de drôles.

— Tu en es sur Alex ?  Lui demanda-t-il les yeux remplis d’eau.

— C’est la seule chose à faire, mon frère, lui répondit Alex, le prenant dans ses bras.

— Je pars demain avec Tacoma.  Valrand et les Leapons ne peuvent pas venir non plus.  Maintenant reposons nous et mangeons, demain sera une rude journée.

— Mais pourquoi demain ?  C’est maintenant que ma fille a besoin d’aide lui répondit Tarmi ressentant l’urgence d’agir.

— Tarmi !  S’exclama Alex, le prenant par les épaules et le regardant dans les yeux.

— Aucun de nous n’a la capacité physique adéquate de poursuivre qui que ce soit pour le moment. Ce serait comme poursuivre quelqu’un dans l’obscurité la plus complète.  Notre épuisement pourrait nous faire nous précipiter dans un piège, alors reposons nous et mangeons.  Ta fille, j’en suis sûr, est plus en sécurité que nous ne le sommes.  Je te jure que je vais la ramener, je t’en fais le serment mon ami.

Le regard d’Alex ne mentait pas sur ses intentions.

 

Pendant ce temps, dans un autre endroit du camp.

— Il reste toujours un charognard à l’intérieur du convoi.  Ils ont réussi à se débarrasser des parents et maintenant, ils s’en prennent aux enfants.  Je les ai plus que sous-estimés, ils sont prêts à se laisser massacrer jusqu’au dernier pour détruire ces gens.

— Tu te ronges trop de l’intérieur Ombre Blanche et l’ennemi que tu combats n’est pas d’ici.

— Tu as raison Houpa, mais je trouve qu’il y a trop d’innocents qui en payent le prix et ça, c’est une raison suffisante pour me ronger les sangs, lui répondit-il, frustré.

— La guerre des prairies n’est pas terminée, Ombre Blanche.  Elle n’est que le prélude à la grande guerre qui s’en vient, soupira Ayanti.

— Un enfant a été enlevé, des soldats de Polon qui battent la campagne et l’hiver qui arrive.  Pour l’instant, je suis paralysé par mon engagement.  Je dois ramener ce qui reste du convoi à Rivière-Pourpre et il ne me reste qu’une vingtaine d’hommes, expliqua Ombre Blanche, légèrement impatient. 

— Comme ça, tu nous as déjà oubliés ?  Gamin va !  Le taquina Ayanti.

— Je pense que ce serait difficile de t’oublier vieux machin, étant donné que j’ai ton affreux visage devant moi constamment, s’esclaffa Ombre Blanche.

— Dis Ombre Blanche, plus sérieusement, tu as des soupçons ?  Lui demanda Houpa.

— Je crois que tout ce qui touche de près aux Polonistes est soupçonnable, à commencer par les conducteurs engagés par le représentant des Trois Arcs.  Sans oublier le représentant lui-même, se dit-il pour lui-même.

— Nous, nous diviserons en plusieurs groupes, Ombre Blanche et nous resterons discrets.  De plus, nous surveillerons de très près les enfants.

— Merci mes amis, ma pire crainte est de savoir qui connaissait déjà l’existence des Pécos ? Comment savait-il qu’il y avait des survivants ?  Qui était en cheville avec les Nargals ?

— Beaucoup trop de questions pour ta petite tête Ombre Blanche.  La réponse est simple, c’est le même koska vidangeur qui fait partie de ton convoi.  Lui dit sagement Houpa.

Ayanti vit arriver un soldat.

— Ton sergent mal amoché, Pinard, vient par ici, Ombre Blanche.

— Je lui avais dit d’être au repos à cette tête de mule, rétorqua celui-ci, quelque peu impatient.

— S’il suit ton exemple, je trouverais cela tout à fait normal, fit Ayanti, affichant son petit sourire malicieux.

— Vieux hibou moqueur, tu peux bien te marrer.

— Capitaine.

— Oui sergent Pinard ?

— La fosse commune est terminée et les gens veulent se réunir pour un dernier hommage.

— Je vous suis sergent… et votre bras ?

— Il guérira, je ne pouvais pas rester à rien faire en pareilles circonstances.

 

Une montagne de corps de Nargals et de natifs ennemis, aspergés d’huile de gargonne attendait de brûler pour rejoindre leurs ancêtres.  Un autre groupe de corps, déposés dans une immense fosse étaient cordés les uns à côté des autres, de manière que tous puissent les reconnaître.  Un peu à l’écart, une autre fosse contenait les grands héros, les vieux chefs, les membres de l’ordre de la Rose et de l’Épée, ainsi que le corps d’une jeune fille du nom de Sophie Dallant, digne représentante de la Légion de Feu.

Le soleil se couchait et presque tout le monde était réuni pour la cérémonie d’adieu.  Le discours de Valrand fut émouvant.  Pendant ce temps, des ombres s’approchaient de la zone réservée aux blessés et se glissaient derrière chaque pierre, chaque objet pouvant les dissimuler.

Les fumées commencèrent à s’élever et un léger vent charia les veloutes vers le lac, cachant un danger pourtant bien présent et, l’odeur du bûcher s’en mêlant, empêchait quiconque de flairer toute présence étrangère.

Le groupe homogène se déplaça furtivement et s’approcha de leur but, coutelas à la main.  Les assassins se préparaient à accomplir leur basse besogne.  Des lits de camps étaient dans leur champ de vision, l’ennemi fantomatique s’avançait sans bruit, sournoisement.  Ils levèrent leurs lames et frappèrent leurs victimes.  À leur grande surprise, ils ne rencontrèrent que du vide et avant même qu’ils ne puissent réaliser ce qui se passait, un premier homme se fit assommer par le plat d’une épée et deux autres furent transpercés de part en part.

— Nous sommes trahis !  Hurla un des assassins.

Des hommes accoururent avec des torches pendant qu’Alex, aidé de Tacoma et de quelques guerriers, se bagarraient à qui mieux mieux avec des hommes rompus au combat.  Pris au piège, ces hommes ne rendirent pas les armes et périrent jusqu’au dernier, non sans tuer quelques valeureux combattants.

Le boucan généré créa un vent de panique, tous se croyant attaqués de nouveau.  Valrand intervint rapidement pour calmer les esprits.  Dès qu’il le put, il se rendit à l’endroit de l’altercation et constata qu’une douzaine d’hommes de couleur sombre gisaient sur le sol, morts.

— Je crois que ce ne sont pas des Pécos, Capitaine.

Alex tenait une épée sanguinolente et avait retrouvé son aplomb.  Valrand s’en rendit compte.

— Tu as raison Alex, c’est la première fois que je vois cette race d’hommes.  Je n’ai aucune idée de qui ils sont.  J’aurais aimé en avoir un de vivant pour le faire parler, pesta Valrand, tapant du pied.

Alex avait un de ses sourires qui laissait sous-entendre qu’il avait une surprise.  Les yeux de Valrand s’agrandirent, comprenant que son vœu pourrait bien être exaucé.

— Tu en as un ?

Alex lui fit signe que oui.

— C’est celui-ci, je crois qu’il dort profondément.  Hormis leurs couteaux ondulés, ils ne possédaient aucun autre signe distinctif.

— Je vois que tes instincts te reviennent Alex, alors voyons ce que nous pourrons soutirer de cet individu.

Valrand s’apprêtait à déposer sa main sur la tête de l’assassin, lorsqu’Alex la lui saisit et l’arrêta net.

— Qu’est-ce qu’il y a Alex ?

Pour toute réponse, le jeune homme passa sa main au-dessus du corps de l’individu et une sorte d’énergie statique l’électrisa, l’attirant au corps.  Peu de temps après, le corps de l’homme se mit à briller et à frétiller, tel un poisson hors de l’eau.

— Éloignez-vous, vite !

Les hommes qui l’entouraient coururent dans toutes les directions et le corps de l’assassin explosa.  Tout ce qui en resta, c’était des morceaux dispersés aux quatre vents.

Valrand se releva.

— Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

— Ce sont des assassins qui viennent de l’ancien continent.  Alex secouait la terre qui le couvrait. Relevant la tête, il vit les regards incrédules de ses compagnons.

— Il y en a d’autres comme eux, cachés dans un lieu secret attendant les ordres d’un puissant mage, affirma Alex en prenant bien soin d’insister sur les derniers mots.

— Pourquoi as-tu retenu ma main ?

Plissant les yeux, Alex réfléchissait aux circonstances qui l’avaient poussé à agir de manière aussi impromptue.

— C’était le même genre de picotement que j’ai senti quand nous cherchions les Nargals.  Depuis une certaine transformation, je ressens une drôle d’énergie qui émane de ces gens qui semblent être contrôlés par la magie.  Ce sont des morts en sursis et leur grand patron n’en a rien à faire.

Cette dernière information glaça les gens sur place.

— De toute façon, le mage qui a envoyé ses sbires, si on peut les appeler ainsi, sait maintenant que je peux repérer ses hommes.  C’est une suite logique de l’avertissement que j’ai donné aux Nargals.  Ce qui est bon à savoir Capitaine, c’est qu’il y a un mage sur le territoire et que par sa tentative idiote, je le sais maintenant.

— Rien que ça mon garçon !  S’exclama Valrand, toujours étonné par les capacités du jeune homme.

— Je crois qu’il est temps que j’aille rendre un dernier hommage à mes parents.

Alex partit sans demander son reste, sous le regard amusé de Valrand et de ses amis.

— Je crois qu’il a retrouvé ses pleines capacités, mon ami !  Lança Houpa.

— Tu as raison Houpa, je le crois aussi.

Ayanti se rapprocha de Valrand, le regard rivé sur Celui qui lit dans les gens.

— Nous aurons fort à faire demain et ce qui attend Alex sera la révélation de sa destinée.

À ce moment, un Leapon arriva prestement, porteur d’un message.

— Il est parti, il a disparu…

Le visage des trois hommes se crispa.

— Maintenant, nous savons qui est le traître Ombre Blanche.

— Tu marques un point, Celui qui voit tout et il m’a berné depuis le début.

— Pas vraiment Ombre blanche, tu as toujours eu des soupçons.  Aujourd’hui, grâce à Celui qui lit dans les gens, nous savons que Fleet est un mage.  De quelle puissance, nous l’ignorons encore mais bientôt quelqu’un le saura.

— Allons-nous coucher, je crois que c’est tout ce qu’il nous reste à faire pour aujourd’hui.

Valrand était épuisé.