Terre des Ténèbres Tome 1-Extrait-suite

Voilà la suite des 9 chapitres du Tome 1..

 

  1. Le mur de brume

 

            La tempête se rapproche de la flotte et n’est plus qu’à un jour de distance et d’énorme nuage noire se voit à cette distance. Les vents qui poussent sont de plus en plus forts et les bateaux,  toutes voiles dehors filent comme jamais profitant de cette manne pour atteindre le mur de brume, espérant glisser le plus loin possible et gagner du temps.

            Le jeune Alex descendit du mat de misaine avec une facilité de marin entrainé, sous le regard admiratif de Valrand.

            — Je crois que tu as bien fait Alex de descendre, la tempête se rapproche et bientôt les marins devront replier les voiles.

            — Je ne crois pas que cela sera nécessaire capitaine, le mur de brume se rapproche, lui dit-il de bout en bout.

            — Tu veux dire que nous approchons du but ?
Valrand analyse les réactions du garçon.

            — Non, pas du tout, c’est le mur de brume qui vient vers nous. D’ici l’heure du zénith nous y serons.

            Ce fut autour du jeune homme d’observer les réactions du soldat de métier.

            Valrand lui sourit et décide d’emprunter une autre route et de cesser de le sonder.

            — Dis-moi Alex, quelles sont les anomalies que tu y as observées ?

            Surprit et rassuré par la question, Alex se laisse aller.

            — Je ne saurais vous dire, mais cette brume n’est pas ce qu’elle prétend être. Quelque chose la dirige et cette tempête nous poursuit. Une force nous oblige à passer dans cette brume.

            — Dans ce cas mon jeune ami, nous devrons combattre quelque chose de particulier et personne ne sait de quoi il est question, sauf que des marins disparaissent sans laisser de trace à chaque passage.

            — Ah c’est donc ça que les marins craignent ! Et pourquoi me le dire maintenant?

            — Tu sais observer Alex et tes parents aussi. Et tu possèdes quelques capacités particulières qui vont sûrement être utiles quand le moment sera venu. Mes amis seront très heureux de te connaitre mon garçon.

            — Vos amis!

            — Des Leapons, eux te montreront comment chasser à la manière Leapon.

            — J’ai bien hâte à ce jour, sur ce, je vais prévenir mes parents.

            Au moment où il tente de s’esquiver.

            — Attend Alex, n’ébruite pas l’information et demande à tes parents de trouver le moyen de réunir tous les gens au centre du bateau.

            — D’accord.
            Alex décampa aussitôt. Resté seul, Valrand se parle à lui-même.

            — Houpa sera très heureux de faire ta connaissance ainsi que, Ayanti.

 

            Une fois à la cale du bateau.

            — C’est tout ce qu’il t’a dit, ce Valrand? demande Jules Durante.

            — Oui père, il n’en sait pas plus que les marins. Il craint une attaque et ne sais pas de quoi il est question.

            — Merde, grogna Dermut McFerson. Nous voilà pris dans un traquenard encore une fois et nous sommes entourés de soldats de pacotilles et de marins d’eau douce.

            Évelyne intervient rapidement.

            — Dis mon gros ours, tu peux baisser le ton avant d’ameuter la communauté. L’idée est simple, pour garder l’équilibre du bateau, tous doivent se trouver au centre, on est d’accord?

            — L’idée est bonne, admis Jules, et comment doit-on…

            Il n’a pas le temps de terminer sa phrase, qu’Alex intervient.

            — J’y vais avec les petites, personnes ne posera de questions.

            Aussitôt dit, Alex se dirige vers Mia et Daphnée, sous les regards approbateurs des parents.

            — Mia, Daphnée j’ai besoin de vous deux, nous avons une mission.

            — Vrai, explosa Mia. J’ai une mission, qu’est-ce que c’est ?

            — Ouais, je vais dire pareil, c’est quoi? renchérit Daphnée.

            — Nous devons rassembler tous les gens au centre du bateau pour garder l’équilibre pendant la tempête.

            Mia se met les mains sur les hanches et d’un air sévère, regarde son grand frère.

            — Gros béta, ce n’est pas la première tempête que l’on traverse et jamais nous avons fait ça.

            — Je vais dire comme mon amie, jamais ! prenant la même posture.

            Nullement démonté Alex rigole de voir ces deux petites furies.

            — Vous avez raison, mais celle-ci n’est pas comme les autres et elle va brasser beaucoup plus. Alors vous me suivez?

            Les deux petites se consultent du regard et approuvent de la tête et la mission commence.

 

            La plupart des gens sont surpris de la demande et obtempèrent malgré tout, voyant les petites. Dans le même temps, les matelots vérifient par deux, les attaches des marchandises, des animaux et de tout le fatras afin d’éviter qu’un simple baril qui se défasse de son entrave ne fasse éclater la coque.

            Daphnée fige au passage de l’un de ces matelots et tremble de tout son être et Mia le vois.

            — Alex, je crois que Daphnée est malade.

            Alex se retourne rapidement et constate l’effroi de la petite et regarde dans la même direction que Daphnée et remarque deux matelots sans plus, absorbés par leurs travails. Il s’approche de Daphnée.

            — Tu as vu quelque chose ? C’est ça ?

            La petite fait un signe affirmatif de la tête.

            — Et… ?

            — C’était très laid, tout noir, autour du monsieur derrière toi. Elle se rapproche d’Alex.

            Mine de rien, Alex se retourne en la prenant dans ses bras et revois l’un des deux marins.

            — Allons revoir les parents et gardons ça pour nous pour l’instant, moi je vais prévenir le capitaine Valrand. Il saura quoi faire, d’accord?

            Les deux têtes firent signe que oui.

            — Allez mes petits crapauds, faut s’entrainer.

            Le sourire leur revint facilement, et elles oublient l’incident. Après ses salutations d’usage, Alex disparaît vers le pont supérieur pour y retrouver Valrand et lui expliquer la dernière trouvaille.

            — Hum, tu as bien fait de venir m’en parler Alex. Maintenant nous savons qu’il y a de la magie malfaisante à bord et tu devras protéger les petites. Moi je vais voir à les faire sortir de leurs cachettes. Pour l’instant, je veux que tu examine à nouveau nos deux phénomènes, la tempête et le mur de brume.

            Aussitôt, le jeune homme se positionna en direction de l’ouragan et fixe son regard comme si il regardait de côté pour trouver son aura, sous l’observation de l’Ombre Blanche. Sans comprendre ce qui se passe une lame sortit de nulle part coupe le fil le reliant à la tempête. Hébété de la même façon qu’une personne ayant trop fêtée, Alex tituba au risque de tomber. Valrand le rattrape de justesse.

            — Tout doux mon jeune ami, prend le temps de respirer et assoies toi sans crainte. Je suis là.

            Alex écoute la voix sans trop comprendre ce qui vient se passer et tente de retrouver sa conscience complète.

            — Prend le temps Alex, tu as tout ton temps.

            Les paroles de Valrand lui semblent creuses et vides de sens. Dans sa tête, résonne des sons de tambour et musique d’os.  Puis, soudainement, tout s’arrête et sa vue redevient normale et reprend conscience de son environnement.

            — Que c’est-il passé ? demande Alex.

            — Simple mon jeune ami, tu m’as prouvé que cette tempête n’est pas naturelle. Elle nous suit comme un être vivant et elle est là pour nous détruire. La magie reprend ses droits.

            — C’est la deuxième fois que vous parlé magie, Monsieur Valrand, laissant en suspend une question, forçant tout même l’officier à dire quelque chose.

            — Autrefois, ce pays était rempli de magie et pendant des centaines d’années tout a disparu,  je ne sais trop pourquoi. Mais depuis quelques années, plusieurs phénomènes ont refait surface et cette tempête est l’une d’elle, tout comme ce mur de brume qui vient vers nous.

            — Elle est notre protection, répondit Alex, se surprenant lui-même de ses propos.

            Valrand analyse le jeune homme et y perçoit une force toute particulière, une émergence à la magie.

            — Maintenant j’en suis certain, il fait parti des élus et je dois les protéger d’eux-mêmes.

            — Tu t’es basé sur un ressenti, Alex?

            — Oui, je crois…en quelque sorte, j’ai senti de l’amour qui me venait de derrière et de la haine devant.

            — Hum voilà une inquiétude de moins. Mais il reste tout de même cette histoire de marin qui disparaît et juste les marins. Devenant songeur et reprenant sur lui-même rapidement. Bon et bien nous aviserons quand nous serons à l’intérieur de ce brouillard. Voulant mettre un terme à cette conversation. Je donne mes dernières recommandations à mes hommes et je jetterai un coup d’œil à la cale, ça te va?

            — D’accord. Alex se retourne et se dit en lui-même.

            — Vous ne m’avez pas tout dit capitaine et je sais que vous êtes intervenu pour empêcher quelque chose de s’accrocher à moi. Je ne sais pas ce que s’est, mais j’apprends à ressentir toutes sortes d’énergies depuis que je suis sur ce continent et je ne suis pas le seul.

 

&

 

            Le temps passe dans l’inquiétude et le bateau tangue de plus en plus et les gens sont attachés aux cordages tressés entre le mat principal et les anneaux de cales. L’angoisse se lit dans leurs regards, plus que d’ordinaire. L’histoire des marins disparus faisait son œuvre, grâce à l’indiscrétion d’un marin.

            Les deux petites étaient installées entre les jambes d’Alex, entourées des frères et sœurs des deux familles et entourées des parents.

            Il chuchota quelques mots à Daphnée.

            — Non, je ne l’ai pas revu.

            — Qu’est-ce que tu n’as pas revu Daphnée, demande Mia, chuchotant à son tour.

            — L’homme noir.

            — Hein…mais il y a plein d’hommes noir autour de nous.

            — Mais non, pas ceux là Mia, il est noir, noir, haussant les épaules.

            — Ah, ok…et à quoi il ressemble Daphnée?

            — Il est grand et noir, noir, lui faisant son plus beau sourire.

            Et Mia lui fait un signe de tête avec la bouche en pincette comme quoi elle comprenait le sérieux de la chose.

            — Je vais surveiller avec toi. Mia prend sa petite sœur dans ses bras.

 

&

 

            Les vagues redoublaient et d’un coup, sans comprendre comment, un calme plat s’installe et une lumière scintillante éclaire le fond du navire. Remplis d’appréhensions et de surprises les gens fixent cette lumière qui se déplace comme une volute de fumée et peu à peu, les gens s’endorment.

            Deux marins furent éclairés par cette lumière et Daphnée revit l’aura ténébreuse et en fait part à Alex. Dès qu’il perçoit l’homme, une brillance anormale enveloppe le marin et comme si il changeait de peau, il disparait dans une sorte d’explosion de lumière mais silencieuse et tous s’endorment.

 

 

  1. Le port des Trois arcs

 

 

            Plusieurs jours ont passé et l’ouragan ne fut plus jamais revu ainsi que le mur de brume. Contrairement à ce que plusieurs marins avaient mentionné sur la lenteur de la traversée, nul ne se souvenait de celle-ci et aucun bateau ne déplore de disparition. Mis à part un jeune homme qui se rappelle de la lumière scintillante et de l’homme à deux peaux et qui disparait dans cette lumière.

            Intérieurement, Alex se sent différent, libre, heureux et léger. Pourquoi il n’en sait trop rien mais soupçonne cette lumière d’y être pour quelque chose. Il a eu beau chercher à entrouvrir une conversation quelconque, rien de nouveau ne transpirait de qui que soit. À croire qu’une amnésie générale a frappé tout le convoi.

            Seul avec son secret, Alex décide de prendre garde à tout changement qu’il pouvait percevoir. Que ce soit en énergie, paroles, ressenti, nature ou bizarrerie inattendu, il se promettait de poser les questions qui s’imposent peu importe le ridicule que cela pouvait avoir.

            Comme à son habitude, Alex grimpe au nid d’aigle, surveiller les environs. Il adore ces moments de solitude qui lui permettent de réfléchir. Ce qui ne l’empêche pas d’observer ce qui se passe sur le Tempête, son bateau de transport. Tout semble fonctionné à merveille et malgré l’apparence amicale du capitaine Valrand, il le voit toujours distant avec les gens du convoi et les rends mal à l’aise quand il le peut.

            — Est-ce sa façon d’en apprendre sur les gens ?  peut-être, se dit-il.  Pourtant, je ne peux m’empêcher d’être attiré par cet homme. Il a une sorte d’énergie qui vous fait rester calme même devant un danger. Je ne serais pas surpris qu’il se rappelle ce qui s’est réellement passé dans le mur de brume. Il est celui qui m’a parlé de magie et qui ne dit pas tout. Il est comme les Leapons, toujours une réponse sans vraiment en être une, qu’est-ce ça veux dire? Est-ce la façon de penser d’ici? J’ai hâte de retrouver la terre ferme et de connaitre de plus près ces Leapons.  Je ne sais pas pourquoi je les sens tout près.

 

&

 

 

            — Que te disent tes visons, Celui Qui Voit Tout ? demanda Houpa.

            — Ombre Blanche a reconnu les élus, soupirant. Elles me disent aussi, que nous allons avoir des surprises.

            Le visage crispé de Houppa s’illumina.

            — Des surprises, voyez-vous ça.

            Ayanti surnommé Celui Qui Voit Tout, haussa les épaules comme un enfant qui ne se sent pas responsable de rien.

            — Il y a une énergie qui tourbillonne autour de nous, comme celle d’un papillon,  Houpa.

            — Je la sens mon ami, le peuple invisible l’a touché. Quel est la marche à suivre pour le moment mon frère ?

            — Nous devrons les attendre à trois jours de marche du port les Trois Arcs, le troisième clan les prendra sous leur aile. Ce qui fera croire aux membres de cette confrérie qu’ils ne les escorteront que pour un temps. Nos anciens ont raisons, notre monde disparaît, Houpa mon frère.

            Houpa acquiesça.

            — Nous devrons garder nos distances, tout comme Ombre Blanche nous l’a dicté. Bien des frelons s’y trouvent et doivent être éliminés un à un.

 

&

 

            — Holà de la vigie!, tu dors ou quoi ? hurla Valrand.

            Sortant de sa rêverie, Alex regarde vers en bas et répond à son tour.

            — Holà du pont ! Qu’est-ce qu’il y a ?

            — Tu peux descendre, ton diner t’attend.

            — Manger, je crois que c’est devenu la chose la plus importante de cette vie après le tour de guet. Mais je préfère manger rapidement pour ne pas perdre un instant.

            Valrand le regarde descendre avec l’agilité d’un singe. Sans aucune hésitation le jeune homme se retrouve sur le pont, tout sourire.

            — Alors comment ça a été là-haut ? lui demande amicalement Ombre Blanche.

            — Calme et serein, prenant une bouchée.

            Valrand voit un changement chez le garçon. Malgré sa nature toujours joviale, il le sens plus mature, profond, perspicace et imprévisible. Ce qui le surprend, surtout que, mis à part ses grandes connaissances, il le sent unique.

            — Tu as une question à me poser Alex?

            Le jeune homme sourit, se demandant si Valrand peut lire dans ses pensées.

            — Je crois que j’aurais plus qu’une question, mais je peux me contenter d’une première. Pourquoi garder vous vos distances?

            Ce fut au tour de l’officier de sourire.

            — Voyons Alex tu connais déjà la réponse. Tu n’as pas besoin de revérifier ce que tu ressens, ton ressenti ne se trompe pas. C’est comme gratter un bouton quand tu sais ce qui va en sortir, pourquoi perdre ton temps à vouloir vérifier ce que tu sais déjà. Et pour te répondre plus simplement, il est plus aisé de voir les faiblesses des gens et leurs forces, en les mettant dans des situations inconfortables.

            Alex acquiesça de la tête.

            — Et vous en déduisez quoi?

            — Je dirais que la plupart des gens ont perdus leur aplomb ; trop de souffrances. Ils sont à reconstruire et cette religion de fanatique leur rappelle trop bien leurs déchéances. Elle est tout, pour leur rappeler leurs peurs. Une brebis effrayée peut devenir plus dangereuse qu’un loup affamé.

            — Vous croyez ? se demanda Alex.

            Valrand grimace légèrement.

            — La brebis devient imprévisible, tandis que le loup nous savons ce qu’il cherche.

            — Et nous pouvons le piéger, intervint Alex, tout souriant.

            Valrand fut satisfait de voir que le jeune homme avait comprit rapidement le sens de ses propos.

            — Et toi, à qui ferais-tu confiance?

            — Moi, dit-il pour seule réponse. Et il grimpa à nouveau dans les cordages.

            Valrand rigole un bon coup.

            — Sacré garçon, il a donné la réponse la plus logique qui soit. Comme disait mes maitres il y a fort longtemps, la personne en qui tu dois avoir le plus confiance est toi. Si tu doutes de toi et bien tu verras les résultats en fonction du peu de foi que tu te donnes et l’illusion prévaudra sur tes actions. J’avoue que cela m’a prit un certain temps pour comprendre et ce petit singe, regardant vers le haut, l’a déjà compris.

 

&

 

            Trois jours plus tard, la terre fut en vue et une série de drapeaux indiquent le rang de chacun, les débarquements, les mouillages ect…

            À l’arrivée, le port de mer grouille d’activité et une série de grandes chaloupes furent mis à l’eau pour les passagers. Pendant ce temps, les capitaines qui avaient dû mouiller plus loin des quais, installent des filets sur les rambardes pour aider les gens à rejoindre les chaloupes amarrées au bateau. Pour ceux plus malhabiles, une planche attachée à deux cordages sert de siège pour les faire descendre en toute sécurité.

            Pendant ce temps, le Tempête se prépare à accoster avec plusieurs voiles repliées et un groupe de Leapons du troisième clan, attend patiemment la descente d’Ombre Blanche. Les employés des Trois Arcs se sentent nerveux devant la troupe de Leapons qui reste aphasique et froid. Nul n’a envie de les provoquer.

            Faisant profil bas, les hommes font tout leur possible pour accélérer les préparatifs de débarquement. L’attente semblait interminable pour certains, tant pour les débardeurs que pour les passagers. Enfin immobilisé et bien retenu, les passerelles furent descendues et les premiers passagers en descendent, les lanciers de Valrand.

            Arborant toujours des visages austères, les soldats de peu de paroles marchent en une longue file avec leurs chevaux, ignorant presque les colons. Il va s’en dire que la situation laisse une mauvaise impression et sème les graines de mauvais rapports entre les deux factions.

            Un homme tel que Dermut McFerson n’était pas de ceux qui se fait rabrouer en pliant l’échine et le manque de tac de la part de l’officier en charge, fait ressortir son amertume.

            — Saleté de faux soldats qui se croient supérieurs à tout le monde. Il ne…

            Évelyne lui fit une pression sur le nerf du coude et les dents serrées

            — Ça suffit Dermut, tiens toi tranquille. Ne nous rends pas la tâche plus difficile.

            — Et tu crois qu’elle n’est pas assez difficile comme ça, riposte-il se prenant le bras.

            — Mais qu’est-ce qui te prend à la fin, Dermut? Nous sommes arrivés. J’imagine qu’ils ont des raisons d’agir ainsi ; des raisons que nous ignorons.

            — Ouais, ouais, d’accord; je vais écrabouiller l’une de ces faces de crotte une autre fois.

            Jules intervient à son tour.

            — Allez le gros grognon, prépare-toi à descendre. Nous aurons bien de l’action tôt ou tard, alors gardent tes forces pour plus tard.

            Dermut grimace en guise de réponse.

            — Allez les enfants, soyons disciplinés. Montrons à cette engeance comment nous, on peut leur faire la barbe à ces crétins.

            — Jules! s’écria Dolorès.

            Jules fait rigoler les enfants en grimaçant, de peur de représailles. Les enfants se mettent en rang en attendant les ordres et rigolant un bon coup. La joie et le plaisir retrouvés les deux familles attendent patiemment leurs tours.

 

&

 

            Dès que Valrand foule le sol, il se dirige vers les guerriers Leapons. Après quelques palabres, il part avec ses hommes sur le chemin de la petite fournaise, tandis que Loup Édenté, le responsable présent du troisième clan se dirige vers les sorties des baraquements des Trois Arcs, installer son bivouac.

            Le vieil homme sage qu’était Loup Édenté, ne se presse en rien et comme tous ses frères, et profite du moment présent. Intérieurement il est heureux, il sait qu’Ombre Blanche a trouvé la trace des élus. Maintenant il ne lui reste plus qu’à attendre le départ protégé et rejoindre le clan de Celui Qui Voit Tout, Ayanti.

            À leurs tours, les premiers passagers descendent la rampe et sont pris en charge par les agents des Trois Arcs et conduis à nouveau dans les baraquements. Comme à leurs premières descentes de bateaux, les crieurs leur donnent leurs instructions.

 

&

 

            Quatre jours avait été nécessaire aux déchargements et aux rétablissements de quelques animaux atteint du mal de mer. Enfin, le grand départ tant attendu s’apprête à être lancer quand un drôle de petit bonhomme du nom d’Albert Bartholemy Fleet représentant l’entreprise se présente à eux en baldaquin supporté par de jeunes esclaves. Puis en descend et monte sur une scène courte et du haut de ces cinq pieds, cinq pouces s’adresse aux futurs colons.

            — Mon nom est Bartholemy Fleet représentant en chef, pesant sur le mot chef, des Trois Arcs. Chacune de vos familles a reçu un chariot, des vivres, des animaux. Vous avez contracté une dette que vous devrez rembourser, peu importe vos pertes en cours de route. Une terre vous sera attribuée une fois arrivé à destination. Le coût de ce voyage est exorbitant et vous devrez vous assurés que tous les membres représentant les Trois Arcs ne manquent pas de nourriture. Si vous avez une plainte à formuler, mon bureau sera ouvert après le déjeuner…

            Dermut s’adresse à Jules.

            — Nous allons être pris avec une sangsue, ouais.

            — Je te l’accorde mon ami. Jules se croise les bras et trépigne autant que son frère d’armes de toujours.

            Fleet continue sa litanie sur les obligations des colons envers la compagnie. Lorsque finalement, le départ est annoncé, l’ambiance est davantage incommodante que dans la joie. Trois cent Leapons du troisième clan se greffent à eux et s’assurent que les colons reçoivent de la nourriture supplémentaire pour les trois prochains jours. Plusieurs apprécient et d’autres se méfient, surtout les disciples de Polon.

 

  1. L’apprentissage

 

 

            Les trois premiers jours sur le chemin de la petite fournaise n’est pas de tout repos. En fait, c’est l’épreuve des premières difficultés à entrevoir sur le long trajet. La chaleur y est soutenue, mais l’humidité rend l’air suffocant et la plupart, mal adaptés à ce climat. Les premières plaintes ne tardent pas et viennent des disciples de Polon, qui pestent contre la chaleur et contre la probabilité que les sauvages de cette contrée, les mènent directement vers un piège.

            Les Leapons restent muet et continuent en silence leur marche aux côtés du convoi.

            Certains membres du convoi en ont plus qu’assez d’entendre gémir les émissaires de cette secte de défaitistes, dont Dermut McFerson. Il passe les rennes à sa femme à son grand désarroi, il descend du chariot.

            — Jules! Tu viens avec moi ?  dit-il, au grand plaisir de ça femme Évelyne.

            — Bien sur!, si tu crois que je vais te laisser y aller seul.

            Les deux hommes côte à côte marchent plus rapidement que les chariots et rejoignent rapidement l’un des crieurs, un dénommé Vincent Pisalé. Un homme élancé et émacié aux petits yeux foncés et portant un chapeau à large rebord.

Dès que Dermut est assez près, il l’interpelle.

            — Aie, le corbeau! Tu as bientôt fini de nous casser les oreilles. On en a pour des mois sur ces routes. Si tu crois que je vais te supporter longtemps comme ça? Tu te goures. Si tu ne la ferme pas, je te tords le cou, vieux gribou.

L’homme bombe le torse et veut se lancer dans une tirade.

            — Comment osez-vous? Polon…

            Dermut l’empoigne par le gilet et le fait culbuter en bas du chariot et lui colle son genou sur la poitrine, l’étouffant presque. Il se penche plus près de son visage et lui serrant la gorge.

            — Tu fermes ton clapet, un point c’est tout, ou je t’arrache ta pomme par tous les dieux.

            Les yeux de Pisalé le supplient de n’en rien faire il a compris. Dermut se relève et fait face à des têtes qui s’étaient tournées dans sa direction.

            — Si j’entends encore un crétin de Polon ouvrir sa grande gueule, je lui casse la mâchoire! Est-ce assez clair! hurlant.

            Jules lui tapota l’épaule comme quoi le message est passé et ils s’en retournent à leurs places. Un sourire en coin les deux hommes surent qu’ils n’auraient la paix que pour un temps.

            Un peu plus loin Loup Édenté sourit.

 

&

 

            Deux heures plus tard, une halte est demandée. Des places furent alors attribuées pour l’installation du bivouac. Occupés à leurs installations, personnes ne se rend compte du départ du troisième clan. Le soleil s’abaisse graduellement dans le ciel quand les soldats font sentir leurs présences, en tapant de la lance sur leurs boucliers.

            Surpris par le boucan les gens se crispent et se rassemblent par petits groupes.  Dans un geste théâtral. De façon naturelle, la troupe forma quarte groupes alignés, et crée une ouverture pour laissé entrer le capitaine Valrand suivit du sergent Volchenkov.

            — Mesdames, Messieurs bonsoir, prenant un ton condescendant, dès demain matin le chemin deviendra différent. Je serai vos yeux et vos oreilles. Mes hommes ne sont pas là pour voir à vos tâches ménagères et ont ordre de ne pas se mêler à vous. Chaque chariot doit fournir un chasseur et certains n’auront pas à le faire. Mes hommes et moi l’avons déjà fait. Nous passerons vous voir sous peu, veuillez continuer vos tâches.

            Clôturant la conversation de façon drastique l’officier quitte sans donner la chance a qui que se soit de poser une question.

            — Plus froid que ça tu meures, se laissa aller Évelyne.

            — Et cela ne vient pas de moi, tu sauras, le taquina son époux.

            — Pour cette fois Dermut. Mais cet officier à un plan. J’en mettrais ma main à couper.

La parole fait place à la réflexion et les deux familles se concentrent sur leurs activités familiales.

 

            En retrait, Ayanti et Houpa observent les colons et plus particulièrement les Durante et les McFerson. À l’approche de Valrand, Ayanti prend la parole.

            — Tu as fait bonne impression Ombre Blanche. La plus part des auras qu’il m’est donné de voir, flottent comme de petites plumes au gré du vent. La plupart sont réduits par des blessures antérieurs, tu as raison.

            — Et que penses-tu des deux familles? Celui Qui Voit Tout, le fixant d’un regard espiègle.

            Tout aussi taquin, le Leapon le fait languir.

            — La grande fille de ce McFerson, tu dois la jumeler avec cet Alex. Elle a tout pour être une solide guerrière.

            Sur cette remarque, Valrand se promet de l’observer plus adéquatement.

            — Et qu’as- tu vu d’autre homme sage?

            — Ce même homme peut s’avérer dangereux, mais il n’est pas possédé de cette secte. Pour le reste, je crois que nous le découvrirons au fil des jours.

            Valrand fait un signe de tête approbateur.

            — Tu commences quand, Ombre Blanche? intervient Houpa.

            Voyant le regard de son frère d’arme.

            — Maintenant.

            Valrand donna l’ordre de recruter les chasseurs.

            — Pour ce qui est de ce représentant de pacotille des Trois Arcs, je m’en occupe. Il devra fournir des hommes pour ses besoins. Je vous revois un peu plus tard.

            En l’espace de quelques minutes les soldats, allégés de leurs lances et boucliers circulent à l’intérieur du camp demandant les noms et désignant ceux qui avaient été choisi de façon particulière. De son côté Valrand ne perd pas de temps et se dirige rapidement à la carriole de Bartholemy Fleet. Lorsqu’il voit l’individu, installer comme un monarque, à se faire ventiler par de jeunes garçons au vu et su de tous, son sang bouille.

            D’un pas déterminé, il s’approche du représentant.

            — Ah capitaine Valrand, venez vous assoir, nous avons beaucoup de choses à discuter. Je vous offre quelque chose?

            — Sans façon monsieur Fleet, faisant signe aux garçons de prendre congé.

            S’offusquant légèrement.

            — Mais capitaine je suis leur maitre.

            — Écoute-moi bien sombre crétin. Tu ne prendras plus tes aises comme tu le fais. Si tu pousse mon convoi à la rébellion tu seras le premier à te faire tuer. Tu m’as compris?

            Fleet ravala réalisant les propos de l’officier, se rappelant trop bien d’où il vint. Des hommes avaient été égorgés pour moins que ça.

            — Ensuite tes convoyeurs iront à la chasse comme tous le monde et tu fourniras une partie de leurs chasses aux familles incapables de fournir des chasseurs. Et assures- toi de ne pas augmenter leurs ardoises, car je te clou au premier arbre venu. Tu as capté le message?

            L’homme fit signe que oui.

            — Alors occupes-toi des convoyeurs. Dès le lever du soleil, nous partons à la chasse.

            Ne lui laissant pas le temps de retrouver son aplomb, Valrand quitte les lieux, heureux de la tournure des évènements. Fleet ordonna un changement immédiat de son environnement et paya une visite au chef des convoyeurs, un dénommé Tagarth.

 

&

 

            L’aube se lève à peine et une jeune fille du nom d’Aurélie McFerson se trouve la personne la plus surprise du lot. Âgée de quatorze ans aux traits entre l’enfant et l’adulte, longs cheveux et yeux noirs, la jeune fille ne se trouve pas très dégourdie.

En peu de temps l’officier répartie les groupes et deux personnes restèrent derrière, regardant tout ce beau monde partir. L’un d’eux jubile à cette vue tandis que l’autre n’y comprend rien. Un soldat se présente avec deux chevaux sellés et Valrand tout souriant.

            — Allez les enfants à cheval, des gens vous attendent.

            Sans mot, Aurélie se cramponna à son cheval et suis malgré elle les cavaliers. Une heure plus tard, ils avaient disparus à travers les herbes. Une clairière discrète fait soudainement place à un spectacle inusité. Houpa, Ayanti et deux autres Leapons attendent patiemment leur arrivée.

            — Allez les enfants, c’est ici que vous descendez, restant assis sur son cheval. Je vous présente vos instructeurs.

            En moins de deux Alex sauta en bas de son cheval tout heureux.  Quant à Aurélie, bien des questions tournaient dans sa tête.

            — Je vous laisse le soin de leurs expliquer, invitant Aurélie à descendre de cheval. Moi je retourne au camp, tirant sur ses brides, il repart au trot.

            Ayanti est le premier à prendre la parole.

            — Bonjour Alex, nous avions hâte de faire ta connaissance. Et toi Aurélie, tu es ici à notre demande.

            — Moi! Les yeux aussi grands que des pièces d’argent.

            — Allez assoyons-nous, nous avons à parler.

 

&

 

            Lorsque la journée tire à sa fin, deux jeunes gens arrivent au camp couvert de bleus sous le regard ahuri de leurs familles.

            — Par tous les dieux ma fille, s’exclame son père.

            — Ce n’est rien père, tentant de sourire, je crois que je suis bien fatiguée de ma journée.

            Évelyne s’interposa aussitôt.

            — Qu’est-ce que tu as fais?

            — Plein de chose maman, et jamais je ne me suis amusée autant, se cherchant une paillasse et tombant comme un sac de patate.

Sur l’entrefaite deux Leapons arrivent avec une gargonne dépecée.

            — Voici leur première prise, plus tard nous leur apprendront à la dépecer.

            Sans attendre les deux nomades s’en retourne sans plus. La plupart des regards se dirigent vers Alex et attendent une réponse.

            — Nous avons courus beaucoup…beaucoup. Ces gros poulets courent beaucoup et je crois que la robe d’Aurélie est une grande nuisance.

            — Ouais…soupira sa mère.

            Les visages des parents en dirent long sur la situation. Jules tapota l’épaule de son garçon et celui-ci grimaça.

            — Repose-toi, on se reparle demain.

            Son frère Thymie et ses sœurs Tania et Mia ainsi que Mégan McFerson et ses frères Adam et Léon n’en avaient que pour lui, leur admiration était sans limite.

            — Alors tu nous racontes ta chasse aux gros poulets ?

            Mia s’assois devant lui les bras croisés, en attente. Les autres suivent le mouvement en peu temps. Bon gré mal gré Alex doit se résigner à leur raconter une histoire.

            — Hé bien, c’est grâce à Aurélie si nous avons capturé notre première gargonne.

            — Hoooo!!! font les filles.

            — Elle est tombé par accident sur trois énormes gargonnes cachées derrière de hautes herbes et je crois que c’est à partir de ce moment qu’on a couru, souriant avec difficulté.

            — Pourquoi elles te couraient après Alex ? demande Mia.

            — Je crois qu’elles n’aimaient pas notre odeur, ce qui fait rire tout le monde. Plus sérieusement, pour protéger leurs territoires et nous étions les intrus et nous sommes devenus les chassés. Une chance que nous avions les Leapons avec nous, on n’aurait pas faits vieux os, je vous l’assure.

            — Allez les enfants laissez-le se reposer. Je crois qu’il en a besoin, intervint Jules, son père.

            Deux minutes plus tard Alex ronfle.

 

&

 

            Un mois s’était écoulé et les deux adolescents s’étaient transformés. Leurs traits étaient devenus plus fermes et ils avaient prit de la maturité. Les parents n’étaient pas dupes et ce que leurs enfants subissaient ne rendait pas Dermut McFerson très malléable. 

            — Retiens-toi mon époux, les enfants non pas à te ressentir ainsi et tu commences à m’inquiéter sérieusement. Évelyne assis contre son mari dans le chariot, continue à le gronder.

            — Tu as raison ma femme, je ne me reconnais pas moi-même. Je suis inquiet pour Aurélie.

            — Voyons Dermut, notre fille est assez vieille pour comprendre ce qu’elle a choisi et elle n’est pas seule.

            — Ouais…et qui était avec notre garçon au moment de sa mort ?

            Évelyne sursauta aux dires de son mari.

            — Ce n’étaient que des enfants, Dermut, répondit-elle sèchement.

            McFerson comprend qu’il est allé trop loin.

            — Tu as raison Évelyne, je suis désolé. Je ne sais plus ce que je dis.

            Évelyne sais qu’il dit vrai. Malgré ses airs renfrognés, Dermut est un cœur d’or sans malice. Il est d’une force redoutable et implacable pour ses ennemis, mais jamais pour ses proches. Mais cette situation l’inquiète vraiment. Depuis la traversée de la mer de Daran, son mari devient de plus en plus irritable et la mort de leur fils qui refait surface après toutes ces années et la haine si soudaine qu’il nourrit n’est pas normale. Elle se promet d’y voir plus clair et d’en parler avec Dolorès et Jules.

            Des cris l’alertent et la sort de ses pensées.

            — Regroupez-vous vite! hurlent les soldats.

            — Mais qu’est-ce qui se passe nom de Dieu! se choqua Évelyne.

            — J’en sais rien, grimaça Dermut, et depuis quand tu jures devant les enfants?

            — Ah toi, c’est pas le moment! Le regard inquiet.

            Sous l’effort des soldats les chariots se groupent par trois, créant de petits ilots.

            — Cramponnez vos animaux, hurla un soldat près d’eux.

            Les animaux nerveux beuglent et hennissent et le sol se met à trembler. D’énormes animaux à une bosse, presque aussi gros qu’une carriole, foncent dans leur direction. Au-delà d’une centaine de ces bêtes passent en trombe d’un côté du convoi. Par chance aucune d’entre elle n’a heurté un chariot.

            — Par tous les dieux, ça ressemble à nos bisons. Tu ne trouves pas Dermut?

            — T’as raison Jules et quelque chose a dû les effrayer.

            — Ouais, un ennemi héréditaire, je présume.

            Un soldat monté sur son cheval passe en trombe, hurlant de pas bouger.

            Les enfants se rassemblent autour de leurs parents contraints par la peur, sauf pour une ou deux.

            — Quand je dis qu’il faut apprendre à se battre, se lamente Tania, juste assez fort pour que son père l’entendre.

            — Ouais, on leur botterait le cul, ajoute Mia.

            — Mia! maugrée sa mère.

            — Comme mon amie a dit…

            Évelyne, la mère de Daphnée, la fixe à son tour avant qu’elle ne puisse rajouter quelque chose.

            La petite ralentit son élan et d’un ton mielleux.

            — …on leur taperait les fesses.

            Un large sourire apparait sur son visage et les rires se font entendre.

 

            L’incident fut clos et la longue marche repris son cour et comme les deux hommes l’avaient mentionné, une horde de loup gris avait prit en chasse les bigous. Et sans la vigilance des hommes de troupes et des Leapons le convoi aurait put déplorer des pertes sévères. 

 

&

 

            Chaque matin, la voix du conducteur sermonne les futurs colons de se grouiller le popotin et les invectives de mots salaces, faisant réagir les disciples de Polon. Certains jours, le capitaine Valrand s’impatiente de la lenteur et le fait savoir, ce qui en irrite plus d’un. Plusieurs s’enragent presque que de voir les soldats au garde à vous, qui n’offre aucune aide aux plus nécessiteux. Sans s’en rendre compte, plusieurs petits groupes s’étaient unis dans l’adversité et faisaient le bonheur du soldat de métier. L’unité prenait forme mis a part les fanatiques qui prenaient un malin plaisir de tout retarder et le temps si précieux aux yeux de Valrand, s’envole comme une peau de chagrin.

            L’heure des grandes frénésies approche à grands pas. Les Monts Dorés sont encore à une semaine de marche et gravir son flanc ne sera pas de tout repos. Songeur le soldat, se trouve heureux malgré tout. Aucune blessure grave n’avait été répertoriée et aucun mort non plus. Mis à part quelques ecchymoses et des muscles étirés, la balade somme toute avait été agréable.

            Se rapprochant de Galbright.

            — Alors vieux crouton ?

            — Tiens si ce n’est pas mon ami, la tache blanche, répondant du tac au tac.

            — Dis Galbright, tu crois que l’on peut y arriver dans les temps?

            Le chef de convoi se gratte la tête, peu sûr de lui.

            — Il y a de forte chance que l’on perde une journée, peut-être deux à cause de nos lascars de prions Polon. Et on ne peut pas forcer les animaux plus qu’il ne faut. Il y a la montée et seul le dieu des enfers, sait ce qu’il y a après.

            — Je te crois Galbright, soupirant. Tu confirmes mes pensées.

            — Ouais, et si tu veux mon avis, ces fouteurs de merde n’ont pas fini de nous en faire baver. Oh! en passant Ombre Blanche, je tiens à te dire qu’il y a de drôles de choses qui se passent dans le convoi.

            — Je te remercie mon ami, j’ai remarqué moi aussi. Je crois que bientôt les rats sortiront de leurs tanières.
Il tire sur les rênes et retourne vers l’arrière.

            Galbright comprend qu’il n’y a rien d’encourageant dans les dires du soldat et qu’il faut s’attendre à quelques problèmes d’ici peu.

 

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            La semaine passe et certaines situations attendues se présentent d’elles-mêmes. Frustration, discorde et bagarre légère et Valrand s’impatiente et se promet d’intervenir sur le plateau. À l’arrivée de la montée des Monts Dorés, une discipline un peu plus stricte est exigée. Une journée de repos supplémentaire est accordée, ce qui donne le temps aux gens de vérifier leurs chariots et aux animaux, la chance de récupérer.