De Générations en Générations – Chapitre 16

Chapitre 16

 

 

Moïsette était depuis trois mois, bien installé à Toronto, chez le couple Savard.

Depuis qu’elle était au service du couple vieillissant, Moïsette avait eu peu de temps pour penser, car elle s’aperçu vite que ce n’était pas pour ces beaux yeux ou par pitié qu’il lui avait offert ce travail. Ils avaient vraiment besoin d’aide pour remettre la belle demeure dans un meilleur état. Un capharnaüm régnait dans la maison et l’époussetage en faisait les frais. Depuis trois mois elle ne faisait que les repas et remettre de l’ordre dans chacune des pièces de la demeure et c’était un gros travail car, il y en avait plusieurs.

Pourtant, même si elle se sentait très fatigué, elle reprenait la même routine, avant d’aller se coucher. Moïsette sortait les carnets de croquis de sa mère. Le seul héritage qu’elle lui avait laissé. Et prenant celui qu’elle avait acheté quelques temps auparavant elle redessinait un à un ceux de sa mère en ajoutant quelques phrases de texte.

Un soir, elle jeta son carnet au sol en disant à haute voix d’un ton colérique :

            — Pourquoi ne m’as-tu pas au moins donné ton talent ? Pourtant mes textes sont bons, mais il manque le principal.

Sans le ramasser, elle se lève et se glisse dans les draps fraichement lavés. Cette nuit là, elle fait sa première crise chez les Savard. Celle-ci était tellement violente, qu’elle réveilla sa bienfaitrice. Moïsette avait préférer prendre la chambre, en face du couple, par précaution pour eux. Mais si elle avait su que les crises reviendraient elle ne l’aurait assurément pas fait.

La vielle dame ouvre la porte de la jeune femme non sans avoir tout d’abord frappé. Cependant aucune invitation ne s’en suit. Pourtant elle entend des gémissements qui l’inquiètent assez pour lui faire ouvrir la porte. L’état de la jeune femme dans le lit la laisse perplexe.

Elle avance vers celui-ci puis secours la petite Moïsette, car elle croyait qu’elle faisait un cauchemar.

            — Moïsette… ma belle réveille-toi.

Après trois essais infructueux, madame Savard, sait que ce n’est pas un rêve qui rend la jeune femme en transe…

            « Mais… quelle est cette étrange maladie », songe la dame en s’assoyant sur le fauteuil au côté du lit tout en flattant le bras de Mosette jusqu’à ce que les tremblements ne cessent.

Les spasmes cessèrent après une bonne demi-heure. La vieille dame voyant cela, mis une serviette humide et chaude sur son front. Se levant pour laisser la pauvre petite se reposer, elle aperçoit le carnet au sol. Intrigué elle l’ouvre et regarde. Pensive, elle le remet sur la petite table de chevet et retourne elle aussi auprès de son mari pour se reposer avant que le soleil ne se lève.

Le matin suivant, lorsque Moïsette se réveille avec un affreux mal de crane et un manque d’énergie totale. Sur le coup, elle ne pense pas avoir fait une crise. Toutefois, elle trouve bizarre d’avoir une serviette encore humide sur son front et de ne pas se souvenir d’avoir fait cette action.

            — Ce n’est pas grave, se dit-elle. Je vais aller me faire un bon déjeuner, ensuite je me mettrai à l’ouvrage.

Effectivement, la nourriture lui redonna de l’énergie, mais vraiment très peu. Moïsette ne voulait que retourner se reposer, mais elle ne pouvait faire cela. Elle était payer pour faire une job et elle ne voulait pas manquer à ses devoirs.

La jeune femme avait à peine une demi-heure de travail de fait, qu’elle n’avait plus aucune force et c’est à cet instant que Madame Savard entre dans la pièce où elle travaillait et lui dit.

            — Oh ! Jeune fille, vous sentez-vous bien ? Vous êtes si pâle. Allez, aujourd’hui je vous donne congé. Je ne vous pensais pas déjà levé. Je suis allé voir si tout allait bien et comme vous ne m’avez pas répondu, je m’en excuse, je suis entré… et j’ai vu un petit livre par terre et il était ouvert. Est-ce vous qui avez fait ces dessins ?

            — Oui c’est moi, mais ceux dans le carnet de ma mère sont beaucoup plus réussis que les miens… Je n’ai malheureusement pas son talent.

            — Mais que me dites-vous là ! C’est de très beaux croquis et le texte alors… Oh ! Il me vient une idée, justement. En vous reposant, allez travailler ces textes qui accompagnent vos dessins, si vous ne voulez pas dormir. Ensuite, lorsqu’ils seront terminés, je connais peut-être une ou deux personnes qui seraient intéressées…

Moïsette l’interrompt avant qu’elle ne termine.

            — Mais madame, vous n’avez pas à faire cela pour moi. Déjà, vous n’en faites beaucoup trop.

            — Chut… Je fais ce qui me plait et ça me plait de m’occuper de vous, comme vous le faites pour nous depuis que vous êtes ici. Alors, jeune fille, c’est un ordre, allez vous reposer, répond-elle en lui montrant du doigt la porte, en souriant.

            — Bien madame, je termine cette pièce et j’irai me reposer quelques heures.

Satisfaite madame Savard quitte la pièce.

Quinze minutes plus tard Moïsette avait achevé son travail dans la pièce. Cependant, elle quitta la chambre nerveuse, car, pour parvenir à la sienne, elle devait passer par le corridor du salon principal où elle savait que monsieur et madame sirotait leur thé. Elle ne se sent pas la force de leur parler et traverse la porte sur la pointe des pieds en espérant qu’ils ne l’aperçoivent pas. Néanmoins, aussitôt après l’avoir passer elle s’arrête, car elle venait d’entendre un bout de la conversation du vieux couple.

            — Mais chéri, nous devons la faire voir par un médecin, si tu l’avais vu …

Moïsette devint blême en se disant : alors ils savent… Pour en connaitre un peu plus, elle décide d’en écouter un peu.

            — Non ma douce vieille, je suis certain qu’elle sait depuis longtemps ce qu’elle a et si elle a voulu nous le cacher… c’est qu’elle veut garder ce secret, for probablement pour une bonne raison. Ce qui m’inquiète le plus et je m’en excuse… Tu sais que nous sommes plus très jeune et qu’il est évident qu’elle ne peut s’en sortir seule. Il faudrait peut-être mieux…

Moïsette aurait aimé connaitre la fin de la phrase de monsieur, mais madame ne le laisse pas terminer.

            — Non… Non, laisse-moi faire, j’ai pensé à quelque chose qui me trotte dans la tête depuis un petit bout. Je vais, de ce pas, aux nouvelles.

Moïsette court presque vers l’autre corridor car elle sait que l’entrée de la demeure est de l’autre côté et qu’elle ne voulait pas que madame Savard la voit. Arrivée dans sa chambre, elle se coucha, cette journée là, mais elle ne dormit pas. Elle imagine plutôt une sortie honorable au cas où tout basculait.

            « Au moins, pour quelques mois, l’argent un problème », cogite Moïsette en fermant les yeux.

 

♥♥

 

Les semaines, qui suivirent, rendirent la jeune femme perplexe, car, à tout moment de la journée, la vieille dame venait la déranger, en lui disant d’aller se changer, car des personnes intéressantes voulaient la rencontrer. Après plusieurs journées, qui ne se terminaient plus, la jeune femme intervient.

            — Madame Savard, s’il vous plait, arrêté d’essayer de me trouver un soupirant. Je sais que ne voulez que me venir en aide, mais vous me mettez dans l’embarras. Je dois trouver seul celui qui me convient.

La vieille dame la coupe encore :

            — Alors, montrez-moi que vous en êtes capable. Sortez ! Rencontrez des personnes de votre âge… Allez vous promener dans les parcs, allez prendre un café… Faites des choses que les jeunes font quoi…

            — Je vous promets d’essayer demain, si vous me promettez d’arrêter vos manigances.

Madame Savard la regarde dans les yeux et répond :

            — D’accord, je cède, mais si je m’aperçois que vous ne faites rien.

Pendant plusieurs semaines, après son travail, Moïsette sort de la maison pour aller s’assoir sur un banc dans le deuxième parc près de la demeure des Savard. Elle ne pouvait aller au premier car la vieille dame pourrait la surveiller. Elle amenait son carnet de croquis et dessinait tout ce qu’elle trouvait sur son passage et ça lui faisait du bien.

Un jour, captiver par son travail, elle ne s’aperçut pas qu’un jeune homme la scrutait, jusqu’au moment où il vint s’assoir sur le banc près d’elle et lui dit.

            — Mademoiselle, savez-vous qu’il est fort impolie de regarder un homme aussi attentivement…

Moïsette surprise par cette intrusion, lui réplique sèchement.

            — Ben voyons, je ne ferai surement pas cela.

Toutefois, avant de lui dire de s’en aller, elle regarde son croquis, puis regarda l’homme à ses côtés. Son visage devint rouge de honte et elle s’empresse d’essayer de s’expliquer.

            — Désolé Monsieur, je ne m’étais pas aperçu. Pardon, si j’avais su…

            — Ne vous excusez pas. Ça faisait un petit bout que je voulais vous parler, mais je ne trouvais aucun moyen d’attirer votre attention, jusqu’à aujourd’hui, répond-il, en regardant le croquis. Vous avez du talent jeune demoiselle. Je m’appelle Florent De Grand Maison. Et vous, secrète demoiselle, me feriez-vous l’honneur de me dire votre nom.

En un seul jour, son cœur fut conquis. Moïsette venait de trouver son homme idéal.

 

♥♥

 

Trois mois de fréquentation plus tard, elle ne voulu plus attendre et lui de même. Il la demanda en mariage et même si les Savard trouvaient que c’était rapide, ils acceptèrent de faire la réception du mariage dans leur domaine.

Par la suite, le vieux couple demanda à Moïsette de rester dans la demeure avec son nouveau mari, car il s’était attaché à elle.

La jeune mariée, qui ne voulait rien cacher à son Florent, lui demanda ce qu’il en pensait. Très rapidement, il fut d’accord, mais à la seule condition de déplacer sa chambre dans une autre aile de la maison. Pour son explication, il lui dit avec un sourire en lui faisant un clin d’œil, qu’un jeune couple avait besoin de son intimité.

Les Savard acquiescèrent et ils lui donnèrent même, une grande pièce avec salon, comme appartement privé.

 

♥♥

 

Moins de trois mois plus tard, Moïsette annonça au Savard la venue de leur premier bébé. Elle était folle de joie et de bonheur, mais son mari Florent donnait l’impression d’être dans un état contraire et cela se confirma dans les semaines et les mois à venir.

De plus en plus de disputes entre le jeune couple. Moïsette apparaissait souvent devant monsieur et madame Savard, les traits tirés, et d’une blêmeur extrême. Un soir, très tard, Moïsette se promène dans le corridor et aperçoit encore de la lumière au Salon. Elle frappe. C’est madame Savard qui ouvre.

            — Mais… mon bel enfant, que faites-vous encore debout à cette heure ? Venez… venez vous assoir… Votre travail est-il commencé ? Pourtant, je ne croyais pas que ça serait avant deux bonnes semaines.

            — Non… Non… Madame, je suis simplement inquiète, mon mari n’est pas revenu depuis plus d’une semaine. Avant, même après nos disputes, il rentrait dès le lendemain, mais là je crois qu’il ne reviendra plus. Il me l’a dit et maintenant, j’en suis certaine. C’est de ma faute, il ne le voulait pas cet enfant… et de plus… mes crises ont recommencées de plus belle après le mariage. Et il me croit cingler… Je l’ai perdu madame, termine-t-elle en sanglotant sur l’épaule de la vieille dame.

            — Mais non, voyons ! Vous n’êtes pas folle, vous avez simplement une maladie rare et si cet homme vous laisse dans cet état. C’est un monstre d’insensibilité. Venez, vous reposer dans votre ancienne chambre, je vous veillerai jusqu’à ce que vous dormiez.

Aussitôt coucher, elle s’endort comme si elle n’avait pas dormi depuis des jours.

Malheureusement ce ne fut pas la même histoire pour les Savard. Au milieu de la nuit le travail de la jeune femme commence très rapidement et très durement. Tellement, que l’accouchement provoqua une crise tellement forte que le cœur de Moïsette s’arrêta. Elle n’eut que le temps d’expulser son nourrisson. Une petite fille, qu’elle nomma dans son dernier soupir : Sofie.

 

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