On sort de la tranchée de ces pages avec de la cendre dans les yeux, mais pas que. Ben non, ce serait trop petit, trop prévisible, trop fastoche. Oui, trop fastoche de dézinguer cette chienne de vie sans lui rendre les honneurs, sans lui reconnaître du talent et enfin, sans déposer, sourire pulpeux aux lèvres, un zeste de soleil et de patchouli dans nos mémoires. Vous savez, cette odeur envoûtante qui court sur le cou des filles à soldats et qui rend beau les souvenirs, même quand ils ne sont pas toujours bien propres sur eux.
Et il est là le talent magnifiquement atypique de Lydie Marais. Oui, là, dans la vie lancée contre le mur, la vie réinventée, la vie à quitte ou double. “En vérité, je vous le dis”, cette talentueuse roublarde addicte de la roulette russe, met, comme Louis Ferdinand, « sa peau sur la table » à chaque giclée de stylo. Et c’est ça qui est beau.
Elle dégaine dru la fée carabine, elle fonce dans le tas des timorés, des mous de la fesse, des vioques entitanés perclus d’ennui, des bobones à bigoudis ensuquées du calfouette et des mecs, par légions, shootés à la pulpe enivrante du mensonge. Elle arrose le bon peuple des vacillants à coup de sulfateuse notre Candy du clavier, mais c’est pour de faux, c’est juste pour secouer un peu les écroulés de la vie, les peine-à-jouir, les pépères à camomille, les vieux désabusés dans mon genre qui ne bandent plus que devant un coucher de soleil sur la mer ou le regard sans fond de James Dean dans “La fureur de vivre”.
Cette femme là, ô lecteur veinard, c’est Peter Pan amoureuse de son syndrome et c’est pour ça qu’on l’aime, qu’on se régale à la lire, et, avec elle, qu’on pleure aussi parfois derrière le paravent des insolences. Veut pas grandir la dame. Non non non, veut pas. Veut faire pipi du troisième étage sur le crâne des cons qui passent. Veut dire des gros maux en se marrant histoire de se sentir un peu moins seule dans ce monde de couards, de j’en foutre, de sinistrés de la tendresse, de carpettes à perpète.
« Portraitude », c’est tout ça et c’est surtout le bonheur de l’effraction dans le boxon verrouillé de la mémoire.
Et moi je te le dis, quand, tout chaviré du palpitant, tu sors de là, tu te dis que, finalement, tu te referais bien un tour de manège…