extrait Saga Tempête- Tome 1

Voilà l’extrait de la Saga Tempête Tome 1.

Saga de Tempête

Tome 1

Pirates des mers

Raphaëlle se réveille tranquillement. Elle s’étire, car tous ses membres sont ankylosés, comme si elle avait dormi une éternité. Elle ouvre les yeux tranquillement. Elle est couchée côté hublot, c’est celui qu’elle préfère car elle adore regarder l’océan au lever du jour. Cependant, ce matin-là, Raphaëlle a toute une surprise car ce n’est pas l’océan qu’elle découvre mais bel et bien un inconnu qui la dévisage. Les pensées se bousculent dans sa tête lorsqu’elle se tourne pour observer. Toujours en déni total et presque sans le vouloir, sûrement pour remettre un peu d’ordre dans le méli-mélo de son cerveau, elle regarde son avant-bras gauche et sa demi-jambe droite. La jeune femme est étonnée de voir que ses deux membres sont bel et bien en place. Pendant un court instant, elle est déçue d’avoir vérifié. Maintenant, il n’y a plus aucun doute possible, elle doit se faire une raison et admettre que ce qu’elle venait de vivre n’était que de la pure fiction. Que ce jeu n’était en réalité qu’un rêve d’aventures. Pourtant, elle se sent tellement fatiguée. Elle referme les yeux pour réfléchir.

     — «Malgré ma constatation, je ne peux m’y résoudre. Mes membres perdus et mes sentiments me semblent encore tellement réels. Je ne peux croire que… que je n’ai rien vécu de tout cela, que je suis toujours la même femme.  Que depuis que j’ai embarqué sur ce maudit bateau et que j’ai fait ce que les organisateurs exigeaient : c’est-à-dire, installer ce ridicule casque et me taire… Je n’aurais fait que rêver ? Ce n’était que dans mon imagination ? »

     — «Non ça ne se peut pas… Mes sentiments, les amis que je me suis fait dans l’aventure sont réels. S’ils ne l’étaient pas, alors je serais de retour chez moi… »

Raphaëlle hurle, pleine de rage, elle ouvre les yeux et se lève d’un bond.

Elle ne termine pas sa phrase, car plusieurs personnes la dévisagent. La bouche encore ouverte, Raphaëlle réalise qu’elle vient de parler à voix haute.

     — « Oh! Oh! Je viens de faire une gaffe. Je viens d’exprimer ma colère devant tous ces gens et je ne sais plus quoi faire. Seul, ceux qui sont trop loin pour avoir entendu, ne me zyeutent pas. »

Oui, tous ceux, qui sont près d’elle, l’observent et dans leurs regards Raphaëlle ne voit que la peur…

 

Avant-propos

 

Quelques temps auparavant…

Dans l’univers de l’intelligence artificielle, l’assimilation trop facile de l’humanité est décevante. Cette nouvelle forme de vie offerte est trop oisive et ceux qui la combattent; c’est-à-dire les dissidents, ne sont pas assez nombreux pour donner le challenge qu’ils recherchent. Ils veulent de l’action, beaucoup d’action…

Pour combler ce vide, celui qui a le titre de concepteur des divertissements voit une solution intéressante. Il propose un jeu à partir de son plus récent jouet «sa lunette 3D» aux humains accros à ce nouveau style de vie. Vu le nombre de participants possibles, des critères de sélection très précis sont mis en place. De plus ceux qui auront à choisir les candidats élimineront immédiatement les sujets qui adhèrent à une vie quasi-végétative.

     ◄ — «Les aventureux seront les cibles à atteindre. S’ils sont captivés, ils ne pourront que s’inscrire à ce nouveau jeu entièrement que j’ai entièrement conçu et qui, j’en suis certain, plaira aux plus audacieux, dit-il».

Le concept fut accepté à l’unanimité.

Par la suite, le concepteur intègrera celui qui aura la tâche du bon fonctionnement du divertissement et lui donnera le titre de maitre du jeu. Son premier travail sera de réaliser une publicité subliminale et de la faire passer non-stop sur le Web. Le résultat sera rapide et ce sera une réussite. Plusieurs inscriptions en quelques heures.

Aucun règlement n’apparait sur ce site, mais ça ne dérange pas ceux qui s’y aventurent. La seule chose, qui les intéresse : ce nouveau jeu de rôle, qui combine la fiction à la réalité.

Les humains inscrits ne voient plus que ce mode d’existence. Ils n’attendent que de savoir, s’ils seront de la partie.

 

♪♪♪♪

 

Le soir du 30 août 3030, la population de la terre se réveille. Pas tous, bien sûr, certains reviennent à une vie normale. Des personnes de tous âges et tous sexes confondus sortent de chez eux avec un baluchon sur le dos. Mais pour aller où ?

 

♪♪♪♪

 

Le lendemain de cette étrange disparition, ceux, qui combattent en secret l’illusion que procure la vie rêvée créée par l’intelligence artificielle, par ceux-là mêmes qui maintiennent en vie les humains, accros à cette nouvelle manière de penser, vont, comme ils le font chaque jour, les nourrir. Très intrigués par les maisons vides, ils les inspectent pour trouver qui a bien pu faire sortir ces humains de leurs léthargies. Car sur l’écran des ordinateurs une seule chose apparait, une latitude et une longitude.

 

Chapitre 1

 

Un problème majeur apparait dès le début du divertissement, ce qui donne instantanément au maitre du jeu un sentiment d’inquiétude.

     ◄ «Bip. Alerte ! Alerte! Intrus. Des personnages non répertoriés sont apparus après transfert. Dois-je me mettre en mode arrêt ?»

     ◄ — «Non ! Attendez! Vous ne devez rien faire pour l’instant. Mais, je ne comprends pas concepteur… Vous aviez dit avoir tout sécurisé».

     ◄ — «Je ne comprends pas non plus. Comment est-ce possible ? Ordinateur ! Analyse-moi leurs nombres et trouve-moi les coordonnées réelles de ces nouveaux arrivants indésirables. De plus, j’aurais besoin de leur cote de force».

     ◄ «Analyse en cours…»

La réponse arrive rapidement

     ◄ «Analyse terminée. Ils sont quatre. Un nouveau dans chaque bateau. Je ne peux vous fournir aucune autre information sur eux, car leurs noms et leurs forces d’attaque sont indisponibles et ils ne sont pas répertoriés dans nos listes d’individus».

     ◄ — «Je vous l’avais pourtant dit. Je n’aime pas ça du tout, réplique le maitre».

     ◄ — «Nous savons tous les deux qui ils sont… Et vous ne pensiez surement qu’il n’y aurait aucun problème dans cette première version».             

     ◄— «Les imprévus sont une motivation de plus. Ce petit obstacle n’est pas aussi grave que vous le pensez puisque nous en connaissons la source».

 

     ◄ — «Oui si vous le dites… Mais pouvez-vous approfondir votre raisonnement»?

     ◄ — «Les non-croyants…  Voyons! De plus, j’ai une idée pour contourner le problème, ainsi nous pourrons découvrir leur identité un bateau à la fois», répond le concepteur.

     ◄ — «Dites-moi, je vous écoute

     ◄ — «Au tout début, je pensais faire entrer les quatre équipes ensemble dans l’aventure, mais maintenant, elles y entreront une à une. L’ordre de début se fera par rapport au réveil de l’équipage et là, ce sera à vous de jouer maitre du jeu !»

Un nouvel avertissement met un terme à la discussion.

     ◄ « Attention… Attention ! Les premiers humains se réveillent. »

En regardant, quelle équipe entrera la première, le concepteur est surpris.

     ◄ — «Tiens! Tiens! Vraiment, pour l’instant, rien ne se passe comme je l’avais prévu. Le challenge n’en sera que plus intéressant».

     ◄ — «Maitre, l’équipage qui se réveille est très spécial. Vous ne devez leurs dires que le strict nécessaire. Les explications que vous leur inculquerez se doivent d’être imprécises et surtout très vagues. Autre chose, tout ce que vous mentionnerez aux concurrents sera stocké dans leur mémoire. À leur réveil, ils se souviendront de tous les détails de l’aventure que vous aurez bien voulu leurs donner. Donc, une lourde tâche vous attend et vous n’avez pas un instant à perdre. Votre rôle commence maintenant».

     ◄ — «Bien! Vous avez parfaitement raison. Ça rendra ce jeu de Grandeur Nature encore plus captivant et intéressant et mon rôle dans l’histoire sera accru. Alors! Oui! Mon aventure débute maintenant».

 

Chapitre 2

 

L’équipage du bateau1 à l’étendard noir sort effectivement de sa léthargie. Le premier membre, un dénommé Thymothé, ouvre les yeux. Il semble étonné par ce qu’il voit. Pourquoi et Comment, il se réveille en cet endroit, semblent refuser de se faire connaitre. En fait, tous ses souvenirs ont disparus !

     ◄ — «Quelques bribes de conversations me reviennent mais c’est tout. Les paroles qui me restent en tête sont très vagues et ça ne m’explique en rien, pourquoi je suis ici. Si j’ai bien compris, je suis dans un jeu de Grandeur Nature et je serais le capitaine de ce navire», pense-t-il en se levant.

Pour en avoir le cœur net, Thymothé sort de sa cabine et il se dirige vers le pont en regardant au large. Tout ce qu’il voit, c’est de l’eau. De l’eau à perte de vue … La conclusion est évidente.

     ◄ — «Eh bien! Notre bateau est en train de naviguer seul. Oh! Une autre chose me revient. Un équipage devrait se trouver devant moi, mais personne à l’horizon», pense ce dernier, en regardant tout autour.

     ◄ — «Bon sang! Mais où sont-ils? Ah Oui! Je me souviens que je ne peux pas garder mon vrai nom dans cette aventure et ça ne me plait guère, car c’est à peu près la seule chose que je me rappelle de ma vie d’avant, mais bon… Et je dois aussi… Hum… cette tâche risque, encore une fois, d’être difficile pour moi, vu mon amnésie. Lorsque mes coéquipiers seront devant moi,  je devrai à tous leur donner un surnom, car je suis le Capitaine de ce navire…  Mais pour ça, il faudrait qu’ils soient en ma présence.»

     ◄ — «Bon Dieu! Foutu équipage, où êtes-vous? »

Soudain Thymothé entend une voix dernière lui :

     ◄ — «Oh là! Ne criez pas ainsi. Je viens de me réveiller et la tête veut me sauter, dit l’homme».

Intrigué Thymothé se tourne aussitôt vers lui.

L’homme devant lui a tout pour l’intimider, sauf que, son large sourire le rassure un peu. De toute façon, il ne s’attarde pas plus longtemps à l’observation de ce  costaud compagnon car plusieurs membres d’équipage viennent d’apparaître. Ils entourent Thymothé, qui sans le vouloir, émet un soupir de soulagement. L’homme fort tout en reculant et en le regardant, va rejoindre son groupe.

     « Au moins je ne suis pas seul. »

Se sentant observé, il ne peut attendre plus longtemps pour faire les présentations et prendre le commandement.

     « Je ne me sens vraiment pas l’âme d’un chef, mais je ne dois pas le montrer à mon équipage. Je vais devoir commencer par ma première tâche et même si je les regarde un à un, rien de me vient. Ça commence vraiment mal. Je vais devoir désobéir à ceux qui m’ont amené ici, mais je peux faire autrement. Advienne que pourra… Malgré que je sois dans un tourbillon d’incertitudes, je viens d’avoir une idée, du moins, pour mon pseudonyme ; pour le reste nous verrons bien. Ah oui! Une chose, encore plus importante s’impose : je dois aussi trouver un second car il se peut que je sois incapable d’affronter les difficultés seuls. »

Sans plus attendre il commence :

     — «Comme vous l’avez tous compris, je serai votre Capitaine Tornade pour toute la durée du jeu. (Il observe sont équipage et son regard s’arrête sur celui qui venait de lui donner un avertissement.) Toi, dit-il en le désignant. Quel est ton nom ? »

 

     — « Moi ! dit l’interpellé surpris et un peu intimidé par la grosse voix de son capitaine. Je m’appelle Matt».

 

     — «Alors Matt, tu seras mon second. Je compte sur toi pour me remplacer au besoin ainsi que pour m’aider à prendre les bonnes décisions »

     ◄ — «Pour ce qui est du reste de l’équipage, vous garderez votre vrai nom. Comme je ne le connais pas encore, lorsque je vous donnerai des ordres, vous serez, pour moi, mes mousses et moussaillons, du premier au dernier. (Voyant les regards surpris et déçus de son équipage, il poursuit 🙂 Pour l’instant, je ne peux faire mieux. On verra plus tard. Nous avons tout notre temps car je crois que l’aventure sera longue… Peut-être, au fil de cette compétition, aurais-je à vous rebaptiser ? Pour finir, avant de vous laisser, je vais vous assigner vos tâches respectives. L’un après l’autre avancez et nommez-vous. Lorsque  tous les membres seront passés devant moi pour connaître votre tâche, alors vous pourrez commencer quand bon vous semblera…»

 

Le premier membre fait un pas en avant et la lourde tâche du Capitaine commence.

 

Lorsqu’il a terminé, Tornade ne peut s’empêcher de penser ainsi.

     « Il faut vraiment que je trouve le moyen de m’isoler dans ma cabine pour essayer de comprendre ce que je fais vraiment ici. »

 

♪♪

 

Les premiers jours sur le bateau se passent sans incidents. Si bien que le capitaine du vaisseau décide de se retirer dans sa cabine dès le coucher du soleil, pour prendre un repos bien mérité et aussi pour réfléchir.

L’heure tant attendue arrive enfin. Avant de quitter son poste, il dit à son second.

     — «Prends les commandes Matt, je dois aller récupérer un peu. Ne me dérange que s’il y a un danger éminent ».

 

     — «À vos ordres, mon Capitaine».

 

Sans autre mot, Tornade tourne le dos à son second, puis se dirige tête baissée vers son aire de repos.

 

♪♪

 

Matt observe son chef.

     « Sa démarche et son allure ne reflètent en rien, l’idée que je me faisait d’un Capitaine… De plus, il ne semble pas confiant. C’est plutôt un homme inquiet qui marche vers sa cabine.» (Lorsqu’il est hors de vue, Matt regarde autour de lui pour observer l’équipage.) « Ouf…, les mousses sont tous au travail. Une question cependant tourne sans arrêt dans ma tête. Je me demande, s’ils sont tous comme moi, dans le néant et totalement amnésiques. Je ne me souviens de presque rien, mais une chose me revient en boucle et ce n’est pas sans raison… Et le Capitaine ne l’a pas appliquée comme il se doit. J’espère que nous n’aurons pas de répercussion à sa désobéissance. Peut-être se souvient-il, lui? Peut-être est-ce la raison pour laquelle il a agi ainsi. Il se devait de donner à chacun de nous un pseudonyme. Et jusqu’à présent, lui seul en a un… Dernière observation, je croyais qu’un Capitaine, surtout Pirate, aurait l’allure d’une brute sanguinaire, alors que le nôtre à l’air de tout sauf  ça. Oui, il est grand, oui il a une forte voix, mais c’est tout. Il est chétif, il a le regard fuyant, qui, lorsqu’on le croise, semble rempli d’inquiétude. Et son habillement n’est surement pas à sa taille. On dirait que son dernier repas ne date pas d’hier et encore moins de la semaine dernière. Et c’est ce gars qui doit nous protéger ?  Non, je dois avoir confiance et ne pas me poser de questions. »

 

♪♪

 

Arrivé dans sa cabine, Tornade referme la porte. Il se glisse dans son hamac et ferme les yeux.

     « Ouf ! Enfin seul… Pourquoi je ne me sens pas à l’aise sur ce bateau ? Je ne me rappelle rien de ma vie, même pas une minute avant le début de cette aventure… Je ne comprends pas ce qui m’a pris de m’inscrire. De plus, mon équipage ne colle pas avec moi. Je crois que ce qui m’inquiète le plus, c’est le fait d’être le seul à ne me souvenir de rien. Je suis certain que tout l’équipage, à part moi, sait quelle est l’enjeu des batailles à venir, car il y en aura, j’en mettrais ma main au feu et elle ne brulerait même pas ! Pourquoi moi, leur chef, je ne le sais pas? Et comble de malheur je suis capitaine d’un bateau pirate… l’emblème qui flotte au gré du vent ne peut que signifier cela. C’est incompréhensible, je suis amnésique et pourtant je sais ce que pirate veut dire… C’est le comble de l’ironie. Je ne peux pas montrer le moindre signe de faiblesse en demandant aux autres s’ils se souviennent de quelque chose. Oh!… Je viens de me souvenir de vagues paroles qui m’inquiètent encore plus : nous allons devoir combattre d’autres bateaux et je ne me sens pas l’âme de protéger tous ces gens… S’il devait leur arriver malheur, j’aurai leur mort sur la conscience. Oh ! Non ! Pas ça… non, je ne dois pas avoir ses pensées négatives. Ils ne peuvent pas être tous aussi amnésiques que moi ? Non, voyons, et pour moi aussi ça ne peut être que momentané. Demain, je me souviendrai et j’aurai toutes les réponses à mes questions. Une journée à la fois… »

 

Probablement dû à sa grande fatigue, le capitaine s’endort avant sa dernière pensée.

 

♪♪

 

Vers le milieu de la nuit une brume épaisse apparait devant le bateau. Très doucement celui-ci y pénètre. Mystérieusement, aucun membre d’équipage n’est en fonction. Tout en voguant vers l’inconnu, le navire subit de grosses transformations. D’énormes objets, des instruments et même des vêtements apparaissent partout venant de nulle part.

 

♪♪

 

Le matin venu, Tornade, entend frapper de grand coup à sa porte, il se tourne rapidement et tombe abruptement au sol. Il entend une voix de femme lui crie :

     — «Capitaine ! Capitaine… Venez vite. Il faut voir où notre bateau s’est échoué».

Après s’être habillé à la hâte, Tornade montre le bout de son nez et lui dit.

     — «Mais… Je crois me rappeler que vous êtes le matelot Lynn. Mais, que peut-il bien y avoir d’aussi terrible pour me réveiller de la sorte ? C’est Matt qui vous en a donné l’ordre, s’enquiert-il, sans quitter des yeux la femme, qui se dandine devant lui.

 

     — « Non, réplique-t-elle en baissant la tête. Justement, il n’est plus sur le bateau. Il m’a simplement donné le commandement jusqu’à ce qu’il revienne»…

 

     —« Comment !? Venez ! Dites-moi tout ce que vous savez», réplique Tornade, en sortant de sa cabine.

 

Elle le suit, mais plus aucun son ne sort de sa bouche. Comme s’il comprenait ce que la jeune femme ressent, Tornade s’arrête, se tourne vers elle et la regarde.

Les yeux pourtant bien ouverts elle avance comme une automate. Son regard semble le vague et si le capitaine ne l’avait pas arrêtée elle l’aurait surement percuté.

     «Cette jeune personne est à l’évidence tétanisée par la peur », pense-t-il. « Et je n’ai d’autre choix que l’effrayer encore plus pour essayer de la faire réagir.»

Aussitôt, il l’attrape par les épaules et la secoue violement d’avant en arrière, en lançant de sa grosse voix :

     — «Dites-moi ce que vous savez ! Sacrement ! Vous êtes dans une aventure de pirates. Si je vous fais peur, alors qu’est-ce que ça sera lorsque nous rencontrerons de vraies brutes sanguinaires? Reprenez-vous et marchons jusqu’en haut. Voyons ! Ça ne peut pas être aussi effrayant…»

Arrivé sur le pont, Tornade est, lui aussi, stupéfait mais il est surtout frigorifié. Il regarde derrière pour s’assurer que Lynn le suit. Elle est bien là en train de lui tendre un anorak qu’il prend sans hésitation. Tout l’équipage est là aussi. Tous les matelots observent les changements brutaux survenus en l’espace d’une seule nuit. Les premières paroles du Capitaine sont teintées d’incompréhension.

     — «Mais… comment est-ce possible ? Comment avons-nous pu arriver ici ? On dirait le Grand Nord…

Lynn, qui avait repris un peu de confiance, grâce à son capitaine, lui donne le peu d’explications qu’elle connait.

     — « Je dormais encore lorsque votre second est venu me chercher dans ma cabine. Il m’a secouée et il m’a murmuré à l’oreille de monter sur le pont. Qu’il fallait que je voie ce phénomène anormal de mes propres yeux. Effectivement, ce que j’y ai vu à l’aube… c’est ce que vous voyez maintenant. Une totale métamorphose du bateau intérieure et extérieure, ainsi que ceci, termine-t-elle, en lui montrant le glacier.

Tornade se tourne alors vers Lynn en fronçant les sourcils pour ensuite répliquer :

     — «Mais où est-il justement celui-là ? Mes ordres pourtant étaient très clairs. Vu le danger et l’urgence de la situation, il est clair que j’aurais dû être la première personne à déranger. Bordel de merde !»

 

     — «Je sais, mais le second Matt ne l’a pas fait. Il m’a plutôt donné les commandes avant de partir», réplique-t-elle.

 

     — «Quoi?! Vous me dites qu’il n’est plus à bord…»

 

     — «Oui, Monsieur, vous avez bien compris. Comme je vous l’ai mentionné en allant vous réveiller, Matt a quitté le navire.  Il a pris avec lui quelques hommes, pour aller faire une petite reconnaissance des lieux. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter et d’attendre son retour avant de vous déranger. Il est parti depuis quelques heures déjà et il n’est toujours pas revenu, c’est la raison pour laquelle, je suis allée vous chercher. Je comprends maintenant que j’aurais dû vous avertir immédiatement de son départ, mais je n’ai fait que respecter les ordres de votre second. Vous lui aviez laissé le commandement. C’était lui le chef à ce moment-là…»

 

     — «Sapristi ! Je n’aurais pas dû…, répond le Capitaine en ne terminant pas sa phrase. (Puis il poursuit en disant à Lynn) Vous avez raison, mais maintenant je suis bien réveillé et je dois trouver un moyen de nous dégager de là».

 

     « Cette femme n’est aucunement responsable des agissements insensés de mon second. Hier, nous voguions sur une mer calme et aujourd’hui, en ce moment même, nous sommes coincés sur cette surface glacée. Avec personne à l’horizon pour venir à notre secours et qui plus est avec des instruments bizarres apparus mystérieusement ici et là autour du bateau… Et si cela n’est pas un cas de force majeure, alors je ne veux même pas vivre ce qui le serait pour ce matelot. En tout cas, elle écoute à la lettre et je suis certain qu’elle fera tout ce que je lui demanderai à l’avenir. C’est toute une responsabilité qu’on me met sur les bras, là, mais je dois accomplir cette lourde tâche », songe Tornade.

Sa réflexion terminée, le capitaine est prêt à donner ses premiers ordres face à la situation dans laquelle le bateau1 se trouve, toutefois avant il doit en savoir un peu plus.

     — «Avant de m’atteler à la lourde tâche de nous extirper de ce piège, Lynn, je ne comprends toujours pas pourquoi vous n’avez pas cru bon venir me chercher plus tôt »?

 

     — «Je suis navrée capitaine, je ne peux que vous répéter ceci : votre second m’a ordonné de ne pas vous déranger… Que toutes ces choses bizarres allaient s’arranger. Qu’il allait revenir avec une solution. Je lui ai simplement fait confiance».

     — «Et vous l’avez cru… Êtes-vous aveugle, matelot ? Comment pouvez-vous penser que le fait de voguer sur une mer calme pour ensuite se réveiller coincés dans la glace en ayant subi, de surcroit, une totale transformation de notre bateau, ne soient pas un code rouge? Et depuis combien de temps à peu près, cet homme aussi peu responsable est-il parti ?»

 

     — «Je n’en suis pas certaine, mon capitaine, une heure ou deux tout au plus, dit-elle en regardant par terre».

 

     — «Bougre d’imbécile ! J’espère au moins qu’il était conscient que plus il s’éloignait de nous et plus il mettait sa vie et celle de ses hommes en danger».

 

     — «Mais pourquoi dites-vous cela ? Je ne comprends pas. Ils ne sont pas partis les mains vides. Ils ont de quoi se défendre !», répond Lynn.

 

     — «Je l’espère pour eux, dit Tornade en la regardant. Vous savez quels genres de bêtes vivent dans le Grand Nord. Si vos coéquipiers les rencontrent, ils n’auront aucune chance contre eux, même avec les meilleures armes qui soient…»

 

     « Je suis peut-être un peu trop alarmiste, mais je dois leur faire entrevoir le pire pour qu’ils s’y préparent. Il y a de grosses possibilités que ces hommes intrépides ne s’en sortent pas, mais il se peut aussi que cet arrêt temporaire ne soit pas notre première épreuve dans ce jeu. Pour l’instant, je dois protéger le reste des membres de mon équipage et le meilleur moyen d’y parvenir est de trouver la meilleure façon de nous sortir de cette périlleuse situation. Je ne peux pas mettre en danger ceux qui sont à bord… Pour la première fois depuis notre départ, je sais quoi faire », pense Tornade, tout en se préparant à donner ses premières instructions.

     — «Allez matelots, tous au travail ! Essayez de trouver des outils, des objets, qui sauront nous servir à nous dégager de là. Comme de gros bouts de bois par exemple, il y en a sûrement qui ne servent à rien sur ce bateau ou alors un de ces instruments mystérieux, dit le Capitaine, en pointant du doigt quelques-uns des items apparus durant la nuit. Et faites vite, le temps presse.

Pour ne pas mettre le capitaine plus en colère, l’équipage tout entier se met à la recherche de choses qui pourraient servir à les dégager de la glace. Très rapidement, les matelots voient sur le pont et les gaillards deux gros instruments ressemblant à des pics à glace. Ils sont tellement lourds que l’équipage se divise en deux pour les amener jusqu’à leur. Lorsqu’ils y arrivent, le matelot Lynn reprend la parole.

     — «Voilà capitaine, dit-elle, d’une voix plus confiante. Ces deux gros pics devraient nous permettre de nous dégager, sans problème. Cependant ils sont tellement pesants que tout l’équipage devra contribuer à la tâche».

 

     — «Ok, je vois… De toute façon nous ne pouvons rien faire d’autre et vous avez vraisemblablement raison, ces pics devront faire l’affaire. Je resterai seul sur le navire pour surveiller les alentours. Vous allez travailler à la poupe et à bâbord, dit Tornade en les pointant du doigt, vous allez devoir dégager le bateau très largement. Vos équipes sont déjà formées, alors… Les deux groupes iront à peu près à soixante-dix pieds du bateau, côté gauche et arrière. Puis, en utilisant ces grosses pioches, vous défoncerez cet amas d’eaux gelé, tout en revenant vers le navire.

 

     — «Mais…, réplique Lynn. Et nos coéquipiers… »

Sans la laissé terminer, le capitaine réplique :

     — «Je sais, j’y ai pensé. Lorsque votre équipe aura amené cette grosse pioche à l’endroit où vous devrez commencer à casser la glace… Vous reviendrez au bateau, avec quelques-uns de vos coéquipiers, vous prendrez un canot et quatre rames que vous laisserez bien en vue. S’ils reviennent à temps, nous les attendrons. Je ne vois que cette solution, car l’eau est beaucoup trop froide. L’autre est solution possible est infaisable. L’hypothermie les attend dès qu’ils sauteront à l’eau et ce bien avant qu’ils ne commencent à nager… Vous comprenez tous que je leur laisse la seule option viable pour qu’ils soient en mesure de nous rejoindre. C’est leur seule chance… Mais s’ils n’ont pas réapparus avant que nous ayons fini, je devrai les abandonner à leur triste sort. Nous sommes en danger nous aussi, dit-il en regardant ses camarades d’aventure.

     «Leurs regards sont tellement tristes, mais je n’ai pas d’autre choix si je veux les sauver», songe Tornade avant de reprendre en ordonnant.

     — «Allons moussaillons ! Au boulot…»

Les grosses pioches et le canot furent amenés à leurs places respectives en un instant.

Tous les matelots, sans exemption, se mirent à la tâche pour dégager au plus vite cet amas de glace autour du bateau. Cependant, la joie, qu’ils auraient dû ressentir avec l’espoir de sortir de cet endroit, n’était pas au rendez-vous, car tous avaient une pensée envers les coéquipiers qui ne continueront peut-être pas l’aventure.

Quelques instants après le début des travaux, un matelot, qui s’était installé non loin d’un des instruments, lance un appel aux travailleurs de l’équipe de Lynn.

     — «Eh ! Arrêtez ! J’ai un truc génial à vous montrer ».

Sans tarder, tous les coéquipiers déposent leur pioche au sol, puis se rassemblent en entourant le jeune homme.

     — «Regardez, dit-il en pointant le bout du pic, ce qui se passe lorsque j’appuie sur ce bouton».

Toute l’équipe observe et soudain une mince couche d’eau apparait.

     —«Merveilleux ! répond Lynn. Cet instrument est chauffant. J’espère que la batterie tiendra durant toute la durée des travaux. Cela diminuera de pas mal le temps que nous mettrons pour nous rendre au bateau. Mille mercis jeune mousse… Maintenant vous pouvez reprendre le travail. Je reviens vous aider dès que j’aurai montré cette merveille à l’autre équipe».

De retour, Lynn explique la joie générée par la démonstration qu’elle vient de partager, puis elle reprend sa place à la pioche.

La tâche, grâce à la découverte du jeune mousse, prit effectivement un temps infiniment moins long. Les deux équipes arrivèrent presque ensemble aux abords du navire. Soudain, la glace autour du bateau commença à se fendiller et à ramollir. Tornade sut  qu’il devait intervenir immédiatement pour le bien de ses hommes.

     — «Remontez à bord. Vous êtes en danger. Vous finirez le travail sur le bateau, ordonne-t-il aux deux équipes ».

Tout de suite, l’équipage obéit, sans poser de question. Une quinzaine de minutes plus tard, Tornade donne de nouvelles instructions.

     — «À présent, équipe numéro1, vous allez devoir vous passer d’un homme, car j’ai besoin de mon observateur. Vous, matelot, dit le capitaine, en le pointant du doigt. Retournez à votre poste. Maintenant, le groupe2 qui travailliez à bâbord, allez retrouver ceux de la poupe, vous devrez travailler ensemble pour que nous puissions avancer plus rapidement. Il faut rendre les glaces assez fragiles pour être cassées lorsque nous avancerons… Nous devrons naviguer vers l’arrière. Je sais que ce n’est pas normal, mais nous ne pourrons pas faire faire demi-tour, car pour cela, il faudrait déglacer les quatre côtés du bateau et ce serait beaucoup trop long. C’est notre seule solution…

Comprenant l’urgence de la situation, les deux équipes se rendent à l’arrière du bateau et le travail reprend aussitôt. À chaque coup de pioche donné le bateau semble bouger un tout petit peu.

Quelques instants plus tard, une alerte est lancée par la Vigie.

     — «Capt’n ! Ils reviennent ! Nos Compagnons… Je les vois, ils marchent vers nous».

 

     —«Sapristi ! Enfin une bonne nouvelle, répond Tornade en prenant sa lunette pour vérifier. Effectivement, ce sont bien eux. Allez maintenant, moussaillons nous devons continuer notre chemin vers la liberté. Je suis certain, que vos coups de pioche, pour nous sortir de là, seront donnés plus joyeusement à partir de maintenant, car nos compagnons seront en mesure de nous rejoindre aisément et ils pourront même vous aider».

 

Après l’annonce, dans le bateau1, un grand cri de ralliement se fait entendre au loin.

 

     — «Vive notre Capitaine. Vive l’aventure».

 

Seul Tornade a un pressentiment qui rend sa joie de les voir revenir contradictoire. De plus, ses pensées oscillent entre le soulagement et la colère.

 

     « Il était temps… Matt, tu devras me donner de bonnes explications si tu veux garder ton poste. Toutefois, ils sont en vie et c’est le principal », songe ce dernier.

 

♪♪

 

Le retour jusqu’à présent, se passe bien pour les aventuriers.

Lorsqu’il arrive près de la rive, Matt aperçoit un canot. Le second comprend tout de suite son utilité, car le Capitaine a trouvé la solution pour dégager le navire et il saisit aussi l’urgence de vite se retrouver à bord de celui-ci. Il sait aussi que le seul moyen d’y arriver, c’est à la rame. Pour signifier à son capitaine qu’il a compris, Matt avance sa main devant son visage, un pouce en l’air tout en ordonnant à ses hommes de mettre le canot à l’eau. Le second s’installe au bout du canot pour motiver ses compagnons d’aventures et les faire pagayer plus rapidement. Cependant, il ressent toujours un danger.

     «Notre passage dans ce jeu risque d’être de courte durée. J’espère que je ne les ai pas trop fatigués… Je n’aurais jamais dû partir avec ses hommes car je savais que cette sortie pouvait s’avérer périlleuse», songe Matt, en les observant. «Qu’ai-je fait là ?»

 

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Après avoir à peine parcouru la moitié de la distance les séparant du navire, les hommes du canot et l’équipage du bateau entendent un cri effrayant provenant du glacier. Tornade regarde une fois encore dans sa lunette et vois un groupe d’ours courant vers l’eau. Tout en continuant d’observer ce qui se passe, le capitaine blêmit. Au-devant du groupe un animal beaucoup plus gros et beaucoup plus massif que les autres attire son attention.

Le capitaine est pensif. Il cherche un moyen de sortir ses hommes de ce mauvais pas.

     « Sapristi ! Il court beaucoup plus vite que tous les autres! À ce rythme-là et s’il nage aussi vite qu’il court, mes hommes n’auront aucune chance d’arriver jusqu’à nous… Non ! il vient de sauter à l’eau et comme je le prévoyais, il nage comme un champion… Bon dieu! Ils n’ont aucune chance, songe Tornade, en descendant sa lunette. »

 

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Matt se lève dans le canot pour regarder tout autour. Il se rassoit très rapidement. Son visage est aussi blême que celui de son capitaine. Il vient de voir surgir leur premier et peut-être leur ultime combat. Il doit trouver les bons mots pour motiver ses compagnons. Il faut qu’ils accélèrent leur cadence et vite, très vite pour espérer avoir une petite chance d’y arriver. Il ne peut que leur crier :

     — «Allez compagnon, il faut redoubler d’efforts. Ne regardez pas, fermez les yeux et ramez… Souquez ! Souquez jusqu’à ce que vous n’en puissiez plus. Nous pouvons réussir…

 

 

Le capitaine essaie lui aussi de trouver un moyen d’encourager ses matelots en péril. Comme par magie, il trouve un porte-voix près de lui. Avant d’utiliser l’instrument, Tornade observe une dernière fois au travers de sa lunette, le regroupement de bêtes féroces. Le gros ours est très près du canot. Il regarde plus loin et voit le restant de la meute se séparer en deux. Une partie se jette à l’eau et les autres contournent l’étendue d’eau. Très rapidement, il fait le lien.

     « Oh ! On dirait qu’ils ont un plan d’attaque. Merde, en plus ils sont intelligents. Nous sommes tous en grand danger, nous devons nous protéger aussi. »

Le Capitaine hurle le plus fort qu’il peut, dirigeant le porte-voix vers le canot.

     — «Vite ! Bordel ! Plus vite… Ils vous rattrapent. (Le Capitaine se tourne vers l’intérieur du bateau et ordonne.) Moussaillons, de la deuxième équipe, arrêtez tout et venez ici ! Prenez des cordages et faites-les descendre le long du bateau. Ainsi, lorsque vos compagnons s’y agripperont… Vous les hisserez à bord aussi vite que vous le pourrez. Vous êtes leur seule chance et Il est hors de question que vous les abandonniez.

     « Je dois réussir à les sauver. De plus, je vais tous nous sortir de là, bien vivants et en un seul morceau. Il le faut ! » Pense Tornade.

     — «Vous, l’équipe de la proue, continuez votre travail. Nous avançons et c’est ça l’important et aussi, tenez-vous prêts !»

 

     — Soudain, Lynn l’interrompt en criant très fort.

 

     — «Hey ! Capitaine ! Je viens d’appuyer sur un autre bouton par mégarde. Je ne suis pas certaine que ça nous aidera, mais je vous le mentionne tout de même. Le nouveau gadget allonge encore plus le bras, mais pour le maintenir, si on l’utilise, nous devons être encore plus à le manier».

Sans tarder, Tornade réplique.

 

     — «Non! Ne l’allongez pas plus ! Je ne peux vous fournir plus d’hommes pour l’instant. Et nous devons le maintenir en place pour détruire la glace au fur et à mesure que nous avançons. Par ailleurs, le pic empêche les ours de monter à cet endroit dans le bateau. Car oui, dit-il, en voyant le regard apeuré de la jeune femme, il y en a quelques-uns qui se dirigent vers vous. C’est pourquoi vous devrez garder le plus de forces possibles pour accomplir ses deux tâches primordiales».

 

Même si les dernières paroles du capitaine les rendent nerveux, inquiets et effrayés, tout l’équipage sans exception continue sans relâche le travail rendu essentiel à leur survie et à celle de leurs coéquipiers. Tranquillement mais sûrement, le bateau continue d’avancer vers sa liberté. Quelques mousses laissés de côté, le nombre maximal d’hommes au cordage étant atteint, prirent l’initiative de combattre les ours. Car ces bêtes féroces et affamées essaient de grimper sur le gaillard d’avant du navire côté bâbord. Ils les éloignent momentanément en leur assénant des coups de pics qu’ils avaient trouvés en cherchant comment aider les autres.

 

     « Bonne idée », pense Tornade, en voyant que l’initiative de ses jeunes mousses fonctionnent. «Mais ils vont venir de l’autre côté…  Oh! Que non, je dois croire en eux.»

Pour ne pas imaginer le pire, le capitaine retourne à sa lunette et scrute les environs pour voir où sont rendus le canot et les ours poursuivants.

     « Ces braves hommes se rapprochent du bateau, mais le gros ours se rapproche toujours deux. Hum… Ça va être juste. Au moins, il n’y a plus de glace et ils seront en mesure d’accoster le canot… Je reste optimiste. Ils vont réussir à grimper avant que cette bête féroce ne les atteigne », songe-t-il, tout en étant toutefois réaliste. 

 

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Matt, se lève pour voir à quelle distance ils sont du bateau, ce qui fait osciller le canot. Le cri d’un de ses hommes le ramène à l’ordre.

     — «Eh! Reste assis… Sinon nous allons chavirer ».

     — «C’est vrai désolé», réplique Matt, en se rassoyant.

Il avait toutefois eu le temps d’observer la distance qui les séparait encore du bateau et aussi de voir la très bonne initiative du Capitaine. Des cordages descendaient le long de la coque.

     « Nous pouvons réussir, mais nous devrons agir rapidement, car le gros ours nous talonne. »

Il ordonne alors à ses hommes.

     — «Des cordages ont été descendus pour nous aider à grimper plus rapidement. Nous avons peu de temps, alors dès que nous accosterons, saisissez rapidement les cordes et monter avec toute l’énergie qu’il vous reste. Nous pouvons nous en sortir».

En prononçant ses dernières paroles, Matt ressent un coup indiquant la collision entre le bateau et le canot. Il hurle alors :

     — «Allez moussaillons un dernier effort ».

Mais une pensée funeste lui arrive, lorsqu’il attrape le cordage.

     «J’espère juste qu’ils ne sont pas trop fatigués pour grimper… »

 

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Dans le bateau, chaque équipe de matelots tenant les cordages, attend le petit coup, qui leurs indiquera le début du sauvetage de leurs coéquipiers. Quelques instants plus tard, le premier groupe perçoit le signal, puis un à un, les autres le reçoivent aussi.

     — «Oh hisse ! Oh hisse…», entend le capitaine.

     « Comme ils sont courageux », pense ce dernier. J’espère qu’ils auront le temps de secourir au moins un de leurs compagnons.

Tornade se penche sur la rambarde pour voir comment se passe la montée. Soudain horrifié, il aperçoit le gros ours attraper le premier moussaillon.

L’ours qui grimpait de la même manière que les humains, mais beaucoup plus rapidement qu’eux, attrape dans sa mâchoire le pauvre homme, enfonçant ses crocs énormes dans sa chair. Il le brasse ensuite de droite à gauche en grognant. Du sang et des lambeaux de peau giclent de partout. Un cri effroyable sort de la bouche de l’homme blessé à mort, puis plus rien. C’est alors que l’animal jette sa proie à l’eau en ouvrant sa grande gueule. Les oursons en bas sautes sur les restes. Puis l’ours se lance sur le deuxième mousses qui pétrifié par ce qu’il vient de voir, n’avait pu grimper d’un poil. Le résultat est le même pour ce dernier. Puis l’ours s’attaque au troisième. Même résultat encore… Un festin pour les oursons en bas.

Les matelots, qui hissaient sans relâche leurs compagnons, se retrouvent sur le dos. Plusieurs se mirent les mains sur les oreilles et fermèrent les yeux, pour ne pas voir et ni entendre leurs compagnons se faire massacrer.

Tornade se force à regarder le massacre. Il ne perd pas espoir de sauver les deux compagnons restant. Il doit penser vite toutefois pour avoir une chance de réussir.

     « Comment est-ce possible? Où cette grosse bête a-t-elle appris à grimper comme nous?!Et aussi vite. Seuls deux membres de mon équipage ont des chances de se hisser à bord. Ils sont plus forts. Ils devront aider mes mousses en escaladant eux-mêmes, s’ils veulent s’en sortir.  Je vais aussi utiliser ceux qui n’ont plus personne à hisser et les envoyer aider les autres sur les deux dernier cordages restants. Plus ils seront et plus ce sera facile de les aider à revenir à bord à temps. »

Se tournant, aussitôt vers les matelots sur le dos, le capitaine les rappelle à l’ordre en hurlant ;

     — «Allez aider vos coéquipiers. (Il se tourne alors vers ceux qui sont encore en plein travail.) Aller vous autres, collez-vous, pour laisser de la place aux autres compagnons. Ensuite, tirer… Il y en a toujours deux qui peuvent encore être sauvés.

Tornade se penche encore une fois à la rambarde et hurle aux deux derniers survivants.

     — «Ne regardez pas derrière et grimpez ! Vous y êtes presque !» crie Tornade, en apercevant l’ours trop près d’un des hommes restants.       — «Allez! Ne lâchez pas»….

Très rapidement le premier rescapé se retrouve sur le pont.

     — «Merci», dit Matt en reculant de peur que l’ours ne soit derrière lui.

Soudain, tous les membres d’équipage entendent un cri de souffrance extrême. Sans prendre le temps de respirer, Tornade, encore une fois, regarde par-dessus bord pour voir l’animal agrippé le matelot, qui malgré la souffrance, essaie de s’accrocher au cordage. Sans attendre une seule seconde, il ordonne :

     — «Vous et vous, allez aider aussi. Et vous trois, regardez près de vous, il y a des harpons. Servez-vous-en pour faire lâcher la bête. Nous pouvons encore le sauver. Allez faites vite !»

Sans arrêter, avec l’énergie du désespoir, plusieurs hommes continuent de tirer sur le cordage pour hisser leur coéquipier blessé pendant que quelques autres, de chaque côté de la corde, essaient de blesser l’animal pour qu’il lâche prise.

Le matelot apparait enfin, mais l’ours est toujours là, agrippé à lui. Beaucoup de sang gicle du bas de son corps. Avec l’énergie du désespoir, les trois hommes harponnent sans relâche la bête féroce pour la faire tomber. Après plusieurs meurtrissures, l’ours libère enfin sa proie. Le deuxième rescapé est ramené sur le pont gravement blessé. Du sang coule de plusieurs plaies allant de la taille jusqu’aux pieds, dont certaines sont plus graves que d’autres. En quelques secondes, une mare de sang se répand sur le pont.

Tornade n’est pas capable de regarder son matelot. Il se sent partir. Pour résister et sans prendre la peine de réfléchir, il regarde encore une fois par-dessus la rambarde du bateau. Ce qu’il voit est plus horrible encore. Des centaines de morceaux de chairs et d’os de ses hommes tombés à l’eau, flottent tout autour de ce qui semble être le restant du canot. Trois oursons sont encore en train de s’acharner sur ce qu’il en reste. Tandis que les plus gros ours essayent encore de monter sur son navire. Il recule… puis il se tourne vers le gaillard d’avant pour voir la première bête sauvage, grognant en montrant ses crocs, atterrir sur le pont.

Pour le Capitaine Tornade, s’en est trop. Il recule encore, quand soudain il en aperçoit un deuxième qui s’apprête à sauter mais, cette fois, il en est certain, la proie ce sera lui. Il recule et recule encore…

Un objet laissé derrière lui, le fait trébucher. Il tombe à la reverse sur le dos. Son seul reflexe est de croiser ses bras devant ses yeux. Une pression énorme l’étreint soudain et sous l’effet de la douleur, il s’évanouit.

 

Chapitre 3

 

     ◄ — «Génial ! dit le maitre du jeu. C’est une belle entrée en la matière ! L’action ne manque pas et vous avez laissé Tornade et son équipe dans une totale ignorance. J’adhère à votre concept et je vais continuer de l’élaborer. J’ai bien hâte de savoir qu’elle sera le prochain équipage qui se réveillera. J’avais une légère appréhension, vu le nombre d’humains à observer et vous en avez éliminé quelques-uns dès leur première apparition. Je vais suivre votre exemple pour les autres qui entreront dans le jeu.

 

     ◄ —«Vous voyez tout se placera au fur et à mesure. Peut-être même que… l’intrus de cette équipage était de ceux qui ont été éliminés dès leur première apparition», répond le concepteur.

 

     ◄ — «Peut-être que oui en effet. Je vais vérifier. (L’analyse ne prend que quelque secondes.) Malheureusement non! Tous ceux qui sont morts sont répertoriés. Voyez par vous-même».

 

Après sa lecture, le concepteur reprend la parole.

 

     ◄ — «Vous avez raison, mais ce n’est pas grave. La compétition ne fait que commencer. Le prochain équipage à y entrer ne devrait plus tarder à se réveiller et j’espère que ça sera l’équipe de la jeune espiègle. Vous savez, cette Raphaëlle, qui en arrivant au bateau, par son manque de tact, c’est tout de suite embrouillée avec une coéquipière beaucoup plus vieille qu’elle».

 

     ◄ — Justement, je voulais vous en parler. Vous êtes certain que vous la voulez cette humaine. Elle est indisciplinée et impulsive. Je ne serai pas fâché si elle ne participe pas car je n’aurai aucun contrôle sur elle».

     ◄ — Oui ! Je la veux. Faites-moi confiance. J’ai créé ce jeu en partie pour elle. Elle doit faire partie de l’aventure ainsi que de ce groupe précisément. Et elle doit en être le chef. Et c’est deux choses, elle doit les avoir en mémoire dès son réveil. Vous verrez, vous ne serez pas déçu. Je peux même vous prédire que si elle ne s’assagit pas, elle aura de graves problèmes, qui seront pour vous une source de plaisir. Elle est jeune et elle sera un pur délice à cueillir»…

     ◄ — «C’est vous le maitre du divertissement, je ferai comme il vous plaira».

     ◄ — «Bien! Lorsque le prochain équipage entrera dans la partie, je vous laisserai continuer le jeu seul. Je dois travailler sur mon prochain jeu. Avant de partir, je dois faire une dernière récapitulation avec vous. En tout premier lieu, vous devez, avant que chaque membre, des trois équipes restantes sortent de leur sommeil, leur mettre en mémoire les règles essentielles du jeu. Cependant, vous devrez limiter votre dévoilement. Il ne faut surtout pas tout leur dire. Plusieurs surprises devront être découvertes au fur et à mesure de la compétions», dit le concepteur. «Certains évènements, ainsi que les raisons du comment ils surviennent, doivent rester mystérieux et incompréhensifs pour ces humains ».

     ◄ — «Compris et je suis parfaitement d’accord avec vous. J’aimerais toutefois savoir pourquoi vous avez rajouté une quatrième équipe. Trois, comme nous l’avions décidé au tout début, représentait déjà un défi de taille : plus que difficiles à observer et à contrôler alors une de plus »… réplique le maitre du jeu, en ne terminant pas sa phrase. Hum ! (Après un moment de réflexion il poursuit.) «Après tout, pourquoi pas» ?

     ◄ — «Bien! Je vais toutefois répondre à votre question. J’ai ajouté cette dernière pour mettre du piquant dans l’aventure. Cependant je n’avais pas prévu que ce soit celle-là même qui se réveillerait en premier. Voyez-vous, même moi je ne peux pas tout savoir. Il y a de l’imprévu dans tout. Vous aussi vous en aurez… Et les intrus en feront partie. Et je dois vous avouer que depuis que le jeu est commencé, il y a des choses qui me surprennent et que je ne comprends pas. Comme, par exemple : comment les récalcitrants ont-ils fait pour savoir qu’il y aurait une quatrième équipe, avant même que je la conçoive? Mais ce n’est qu’une goutte dans l’océan et je ne m’y arrête pas pour le moment et vous devrez le faire, vous aussi, avec les imprévus».

     ◄ — «Oui, je sais… Et j’ai, moi de même, pensé à quelques surprises qui, lorsqu’elles seront bien placées, feront des étincelles beaucoup plus grandes que celles que je risque de découvrir au fil de la compétition».

     ◄ —«J’en suis certain».

     ◄ Bip – Attention! Le deuxième équipage, celui de Raphaëlle est en train de se réveiller.

     ◄ — «Parfait! Comme je l’espérais, c’est celui de la petite espiègle, dit le concepteur. Je vous laisse donc avec ce nouvel équipage. Bien du plaisir avec elle. Je vous laisse sur ce dernier conseil.