08 Déc De Générations en Générations – Chapitre 6
Chapitre 6
« C’est facile à promettre », pense Moïsette en faisant le ixième tour d’un nouveau pâté de maison à la recherche d’une chambre à louer qui accepte qu’une jeune femme y habite.
« Peut-être n’ai-je pas été assez loin? Toronto… Pourquoi pas? Non, je ne parle pas l’anglais… »
Soudain, une pancarte au coin de la rue attire son attention.
« Chambre à louer, pas chère et propre »
La jeune femme tente sa chance et cogne à la porte. Un homme en camisole ouvre la porte et lui dit.
— Mais… Qui ose me déranger à cette heure? Ah! Que voulez-vous, dit-il en la détaillant de haut en bas. Si vous voulez avoir la chambre gratuitement… C’est Non! Mais peut-être après tout… Hum… nous pourrions nous arranger.
Moïsette qui ne comprit pas où cet homme voulait en venir, lui dit aussitôt.
— Mais non, monsieur j’ai de quoi payer… Je vous rassure. Seulement j’en aurais besoin tout de suite, si c’est possible.
— Ah bon! Dommage… dit le vieux cochon en se tournant pour hurler. Hein Rita! Tu as une nouvelle pensionnaire. Va lui montrer sa chambre… elle comprendra vite où elle se trouve, termine celui-ci en la faisant entrer.
Effectivement, ça ne prit que quelques heures à Moïsette pour comprendre que sa vie de pensionnat était terminée. Le lendemain, après n’avoir dormi que très peu et par bout, la jeune femme se lance dans sa recherche d’emploi. À la fin de la journée, elle se trouve chanceuse car elle déniche une place de femme de chambre dans un grand hôtel. Le salaire n’était pas très bon, mais cela lui permettrait d’économiser.
♥♥
Malheureusement la chance ne dura pas longtemps, car elle n’avait pas encore apprise à gérer ses crises et l’endroit où elle habitait ne l’aidait pas à y arriver. Et trois fois dans la même semaine, on la retrouva en pleine crise dans la chambre qu’elle nettoyait et en lui donnant son salaire de la dernière semaine on la congédia. Par la même occasion le garçon d’étage qui s’intéressait à elle, ne l’invita plus.
Et à partir de ce moment la descente aux enfers de Moïsette commença. Tout les soupirants, un après l’autre, se désistaient et trouver un emploi devenait de plus en plus lourd, comme si son nom commençait à circuler et qu’on ne voulait plus d’elle.
— Après plusieurs mois sans avoir trouver une façon de gagner sa vie et sans attache encore, la jeune femme déprimait de plus en plus et les crises étaient de plus en plus fréquentes. La dernière en date l’avait laissé alité plus d’une semaine.
Madame Rita sa logeuse était gentille… Elle lui apporta de la soupe et du pain plusieurs fois durant cette semaine là.
À plusieurs reprises, lorsqu’elle se réveillait madame Rita lui épongeait le front en lui disant doucement de se calmer. Toutefois elle la regardait bizarrement. La voyant reprendre des couleurs, la logeuse lui demanda.
— Jeune fille, avez-vous toujours fait ses horribles crises. Vous savez que vous faites peur, lorsque ça vous arrive…
— Oui… pardon madame… je sais que ça ne doit pas être évident. Oui… depuis que je suis toute petite… lorsque ma mère est morte… ma famille m’a abandonné. Voulez-vous que je quitte… Je le ferai dès que je me sentirai mieux.
Elle la regarde, avec un certain intérêt et elle poursuit en lui demandant :
— Mais non… Voyons! Je ne ferais jamais cela. Je voulais juste savoir. Au moins, savez-vous se qui attire vos crises?
— Hum… oui et non. Je pense que le stress de ma situation ne doit pas aider. Je pense que je fais ces crises car je ne suis plus capable de garder un emploi. De plus, aucuns jeunes hommes ne m’invitent à sortir et ma réserve de sous diminue à vue d’œil. Touts mes malaises, je crois, ne doivent pas m’aider…
— Je vois, dit-elle en la regardant de la tête au pied. Vous êtes peut-être un peu trop maigre mais pour l’argent, moi, je peux vous aider… Pour le reste, il est évident que vu votre état vous ne trouverez jamais de mari… Cependant, si vous jouer le jeu, et bien, vous pourrez économiser pour vos vieux jours…
♥♥
Lorsque Moïsette comprit quelques jours plus tard ce que Madame Rita lui proposait, elle refusa la proposition en lui disant merci.
— Je ne pourrais pas faire cela… Je ne connais rien aux hommes et à leurs désires. Je fais finir par trouver un endroit qui me convient, ne vous en faites pas et j’ai encore de l’argent pour vous payer.
— Comme vous voudrez… ma la proposition ne sera pas toujours disponible… Je vous laisse le temps d’y penser.
La jeune femme partie, ce jour là en se disant que rien ne pourrait la faire changer d’idée. Après plusieurs refus, elle trouva enfin un nouvel emploi, dans une famille aisée. Elle devait s’occuper des enfants de la famille… mais cela ne dura pas longtemps, car l’un des petits garçons la trouva en pleine crise et alerta immédiatement les parents qui la congédièrent sur le champ en la poussant dehors et en la traitant de possédée.
Abattu, Moïsette céda et dit à Madame Rita qu’elle allait essayer. Cette grosse dame lui laissa le temps d’apprendre à se contrôler, car les premiers temps elle faisait beaucoup de crises. Bizarrement, les clients continuaient d’affluer.
Ce que la jeune femme ne savait pas, c’est que plusieurs tracts avaient été distribués dans la ville et sur celles-ci on pouvait lire :
« Venez vivre une sensation vraiment effroyable. Du jamais vu chez Rita et vous ne pourrez plus vous en passer. »
Rapidement la jeune femme fut la plus populaire et elle eut des clients réguliers pendant une dizaine d’année, mais encore là tout s’arrêta rapidement, lorsque par mégarde elle se retrouva en couche. Madame Rita lui dit que ce n’était pas vraiment grave… on allait lui enlever le fœtus avant que son ventre ne paraisse trop.
Moïsette fut surprise par la demande de sa logeuse et patronne et sans réfléchir elle lui répond :
— Mais… non! Je veux garder mon bébé.
— Comment? Tu ne peux pas avoir d’enfant… Imagine, s’il souffre de ta maladie. Toi tu t’en sors tant bien que mal, mais lui… Pense à cet enfant et si tu ne change pas d’idée, je ne pourrai te garder. Je te laisse y réfléchir.
Pendant quelques semaines, au début de la grossesse, Moïsette pu faire son travail. Durant ce temps, elle essaie, sans grand succès, de faire valoir son point de vue à sa logeuse et patronne, mais rien ne fit. Sur le pas de la porte, la future maman en colère, se tourne vers madame Rita et lui dit :
— Pendant dix longues années je satisfais tous vos demandes et maintenant que je pense un peu à moi et mon futur, vous me jetez à la rue comme les autres… J’ai vingt-huit ans à présent et c’est ma dernière chance d’avoir un enfant et vous le savez très bien. Je croyais avoir trouvé une famille, mais je vois que vous ne faisiez que m’utiliser. Je n’ai jamais compté pour vous…
— Voilà les larmes et les réprimandes qui viennent maintenant. Si je ne vous avais pas accueilli, personne ne l’aurait fait. Il m’a fallu bien des tracts pour que la clientèle masculine s’intéresse à vous. Croyez-vous que c’était votre petit cul qui les amenait près de vous ? Que vous êtes pitoyable…
— Mais…
Rien de plus ne sorti de sa bouche. Son univers venait de basculer encore une fois. Les paroles de sa patronne allaient raisonnées longtemps dans sa tête. Elle comprit effectivement qu’elle avait été utilisée durant toutes ces années et que le chemin de sa nouvelle vie ne pourrait pas se poursuivre dans cette ville. Il fallait une fois de plus partir au loin…